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HISTOIRE POLITIQUE DES COURS DE L’EUROPE.

v.

La guerre une fois résolue dans la pensée de l’empereur, il ne lui restait plus qu’à organiser un vaste système d’alliances qui lui permît d’attaquer son ennemi par tous les points à la fois. L’Autriche et la Prusse entraient en première ligne dans l’ordre de ces alliances.

Le rôle de l’Autriche lui était tellement commandé par sa situation, que toute hésitation de sa part semblait impossible. Cependant, au moment de se prononcer, il y eut à Vienne comme un cri sourd et douloureux de l’opinion contre la nécessité affreuse de coopérer à l’asservissement de la seule puissance restée libre encore sur le continent. La haine qu’on nous portait dans ce pays, contenue par l’alliance de famille plutôt qu’assoupie, se déchaîna de nouveau. Les coteries jusqu’alors disséminées de la noblesse se coalisèrent contre le comte de Metternich et le système français. Leurs chefs étaient le comte de Stadion, qui, dans le triomphe de ses principes, cherchait le triomphe de son ambition ; Bardacci, esprit ardent et habile, aimé de l’empereur dont il était le secrétaire intime ; Rasumowski, ancien ambassadeur de Russie à Vienne, maintenant fixé dans cette capitale, où il se faisait remarquer entre tous par sa haine fougueuse contre la France et l’éclat de son faste ; quelques-uns des archiducs, l’archiduchesse Béatrix, et cette fois, à la tête de tous, l’impératrice. Elle avait vu s’accomplir le mariage de sa belle-fille avec un dépit secret que le temps n’avait fait qu’augmenter ; sa vanité souffrait de voir briller sur le front de Marie-Louise la plus belle couronne du monde, tandis qu’elle-même n’avait en partage qu’une couronne flétrie par les revers, un époux assiégé de dégoûts et d’ennuis, une cour enfin que les derniers malheurs avaient remplie de tristesse et d’amertume. Elle avait une aversion prononcée pour le comte de Metternich qu’elle accusait de ce mariage détesté ; et quoique la nature l’eût douée d’un jugement sain, ses passions de femme subjuguaient cette fois sa raison, et elle prêtait ouvertement son appui aux ennemis de la France. L’empereur François était le but principal de leurs efforts et de leurs intrigues. Ils s’adressaient à ses préjugés et aux tendances naturelles de son esprit, tâchaient d’effrayer son ame timorée en lui répétant sans cesse que l’homme auquel il avait donné sa fille, ne tendait qu’à la dictature du continent, au renversement ou au vasselage de toutes les anciennes dynasties, et que, dans ses vues de destruction, il ne se laisserait point arrêter par des scrupules de famille. De leur côté, l’Angleterre et la Russie lui offraient, l’une ses subsides, l’autre l’appui de ses armées, s’engageant à ne poser les armes que lorsque l’Autriche aurait recouvré tout ce qu’elle avait perdu dans les dernières guerres. Les chefs du parti anglo-russe avaient un plan tracé d’avance : contracter dès aujourd’hui des engagemens secrets avec les cours de Londres et de Pétersbourg, feindre vis-à-vis de nous une neutralité toute passive, nous offrir même, pour mieux nous tromper, des garanties, nous laisser nous engager dans les steppes de la Russie, se déclarer alors, ne point attendre les arrêts