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maritime et commercial, province anglaise. Il n’existait pour elle que deux alternatives, se soumettre à nos décrets, ou à notre domination immédiate. D’un côté, sacrifice de ses relations avec nos ennemis ; de l’autre, incorporation à notre territoire. Voilà ce que ne voulut point comprendre le prince auquel Napoléon avait confié le gouvernement de ce royaume. Soit faiblesse de caractère, désir d’une popularité qui n’était point de saison, ou plutôt débilité d’un esprit incapable d’embrasser l’ensemble d’une situation qui ne le saisissait que par le côté des exigences et des sacrifices, il est certain que Louis manqua à tous ses devoirs envers l’empereur et la France. Il savait à quelles conditions son frère l’avait fait roi ; il déchira sciemment un contrat dont il avait signé toutes les obligations. Au lieu d’user de son pouvoir pour amener progressivement les Hollandais à se résigner à des souffrances cruelles, mais passagères, il s’associa à toutes leurs passions, épousa leurs préjugés, se ligua avec eux contre la politique de la France, se fit le protecteur déclaré de la contrebande anglaise, lui ouvrit ses ports, ses côtes, ses villes et jusques à son palais, comme le lui reprocha son frère, On le vit tendre tous les ressorts de sa raison, tourmenter la délicatesse de sa conscience pour se persuader qu’il était Hollandais, réserver ses faveurs pour les amis de l’Angleterre, écarter des affaires nos plus dévoués partisans, encourager les libelles publics contre le chef de la France ; en agir enfin, lui qui devait tout, son éducation, sa fortune, sa couronne à son frère, en agir comme aurait pu le faire un stathouder de la maison d’Orange aux gages de la cour de Londres.

Napoléon se plaignit long-temps, mais en vain ; enfin il se décida à sévir. Son autorité tomba de tout son poids sur ce pays et sur ce trône en révolte flagrante contre sa volonté. Dans son discours au corps législatif (3 décembre 1809), il prononça ces mots. « La Hollande, placée entre la France et l’Angleterre, en est également froissée ; cependant elle est le débouché des principales artères de mon empire ; des changemens deviendront nécessaires ; la sûreté de mes frontières et l’intérêt bien entendu des deux pays l’exigent impérieusement. »

Troublé et inquiet, Louis s’empressa de demander des explications sur la portée de ces paroles. Son frère les lui donna, et prit occasion de ce fait pour lui dire sa pensée tout entière. Il lui traça le tableau de tous ses griefs contre lui, et n’hésita point à lui déclarer que puisque la Hollande s’obstinait à se faire le principal entrepôt du commerce ennemi sur le continent, il était dans l’intention de la réunir à la France comme complément de territoire et comme le coup le plus funeste qu’il pouvait porter à l’Angleterre. Au fond, l’empereur s’affligeait d’être forcé d’en venir à une telle extrémité. Sa sagacité pressentait le dommage qui en résulterait pour sa puissance morale en Europe. Un moyen fut tenté pour prévenir ce grave évènement ; ce fut le traité du 16 mars 1810. Par cet acte, la Hollande céda à la France le Brabant hollandais et la totalité de la Zélande. Le Thalweg du Wahl devint la limite des deux états. Par ce même traité, il fut décidé que les embouchures des rivières et des ports de la Hollande seraient mis sous la garde