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indispensable, c’est la seule solution possible de la grande question de Paris port de mer. La circulation des hommes est d’ailleurs extrêmement animée dans la riche vallée de la Seine.

On concevrait cependant à la rigueur que le chemin de fer ne fût voté immédiatement dès cette année qu’entre Paris et Rouen, sauf à pourvoir dans une des plus prochaines sessions à l’achèvement de la ligne. La navigation à la vapeur est très perfectionnée entre Rouen et le Havre ; La Normandie n’emploie que 7 heures 15 minutes moyennement pour faire à la descente ce trajet de trente-cinq lieues. Elle met moins de temps à la remonte, ainsi qu’il arrive sur d’autres fleuves sous l’influence de la marée ; la durée moyenne du trajet est alors de 6 heures 20 minutes. Avec un chemin de fer entre Paris et Rouen, on se rendrait de Paris au Havre en onze heures environ, et l’on en reviendrait en dix. Ce serait une amélioration sensible sur ce qui est, car en diligence le trajet dure vingt heures.

Quelques personnes ont pensé que le chemin de fer de Paris à Rouen n’était pas un de ces travaux urgens pour lesquels aucun délai n’est admissible. « N’est-il pas plus pressant, disent-elles, de rendre parfait le régime de cette belle Seine, qui déjà, dans l’état de nature, est sous le rapport de la navigabilité le premier des fleuves de France, et cette perfection est-elle donc pour la Seine si difficile à atteindre ? Faudrait-il de si grands efforts pour faire disparaître les bancs de sable qui y gênent la navigation, et pour réduire, par quelques coupures, les coudes qu’imposent ses détours multipliés ? Si moyennant 12 ou 15 millions, il est possible d’assurer en toute saison, sur la Seine, la circulation des plus grands bateaux à vapeur et de tous les autres bateaux, de diminuer de trente pour cent ou même de moitié les frais et la durée du transport des marchandises, n’est-on pas fondé à soutenir que l’amélioration de ce fleuve magnifique doit précéder l’établissement d’une voie entièrement nouvelle qui coûterait trois ou quatre fois autant et ne satisferait pas aux mêmes conditions de transport économique ? À l’aide des bateaux à vapeur et d’un chemin de fer partant de Paris pour aboutir à Poissy, par exemple, ne parviendrait-on pas à conduire promptement et à peu de frais les voyageurs de Paris à Rouen ? »

Mais en raison des nombreuses sinuosités de la Seine qui, de Poissy à Rouen, décrit un parcours de quarante et une lieues, tandis qu’il n’y en a que vingt-cinq par la route de terre, l’avantage des bateaux à vapeur serait dans ce cas presque annulé. En supposant le fleuve amélioré, il faudrait huit heures pour aller ainsi de Paris à Rouen,