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la création prompte d’un vaste ensemble de communications à l’aide duquel l’immense majorité de nos concitoyens puisse voyager autrement qu’à pied au milieu de la boue qui borde nos chaussées. C’est là un des motifs pour lesquels ils se prononcent hautement en faveur des chemins de fer. Enfin la nature de notre régime représentatif semble exclure l’idée d’entamer le réseau des chemins de fer, si ce n’est sur une grande échelle et sur beaucoup de points à la fois ; car comment obtenir le vote de la chambre des députés, en faveur des chemins de fer, si l’on ne fait jouir à peu près simultanément de la célérité magique qui les distingue, toutes les grandes divisions du territoire, le centre et les extrémités, l’Est et l’Ouest, le Nord et le Sud.

Que faire donc si d’une part la saine politique, les nécessités représentatives, l’intérêt de toutes les classes et celui du gouvernement interdisent d’ajourner ou de pousser autrement qu’avec énergie et ensemble l’établissement de nouvelles voies qui transportent les voyageurs rapidement et à bas prix, et si d’une autre part il semble impossible d’entreprendre immédiatement, avec vivacité, l’exécution de notre réseau de chemins de fer, soit parce que les chambres, malgré le désir qu’a chaque député de doter son arrondissement, ou son département, ou sa région de l’Est ou de l’Ouest, du Midi ou du Nord, se refuseraient à voter, à brûle-pourpoint, tous les fonds que ce réseau obligerait à dépenser, à la suite de toutes nos autres charges ordinaires et extraordinaires, soit parce que la question n’a pas été suffisamment élaborée et mûrie ?

La question paraît insoluble, et elle l’est en effet, si l’on se borne à mettre en jeu les chemins de fer seuls ; mais elle devient moins inextricable si l’on combine les chemins de fer avec les lignes navigables qu’il faudrait exécuter ou améliorer dans tous les cas.

En compliquant ainsi la question, il arrive, comme souvent, qu’on la simplifie. Moyennant cette partie liée, il serait possible de combler, sans compromettre les finances du pays, un des désirs les plus ardens des populations, celui qui fait réclamer de toutes parts des moyens rapides de transport et des facilités nouvelles de déplacement pour les hommes ; moyennant l’alliance des bateaux à vapeur et des chemins de fer, on pourrait, sans efforts surhumains, contenter à la fois, dans un assez bref délai, toutes les grandes divisions de la France, en leur donnant un système de communications qui les couvrirait toutes, qui remplirait, je ne dis pas dans la perfection, je ne dis pas au même degré que le réseau de chemins de fer commencé en Angleterre, mais deux ou trois fois mieux que nos routes ordinaires