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et qu’aucun accident n’est venu troubler, soit pendant les jours de l’inauguration, soit depuis, malgré la foule qui s’y précipitait avec frénésie, et quoique, à l’origine, les employés, tous novices, ne fussent pas familiarisés avec leurs attributions. Mais entre Paris et Lyon, par exemple, il suffirait, chaque jour et dans chaque direction, de deux départs séparés l’un de l’autre de cinq ou six heures. Entre New-York et Philadelphie, villes de deux cent cinquante mille ames chacune, sur cette terre ou les hommes ne tiennent pas en place, il n’y en a pas davantage, et un seul des deux est très couru. Sur chaque point du chemin, il ne passerait donc que quatre trains de voitures chargées de voyageurs. En y ajoutant un train dans chaque direction pour les marchandises, le nombre total des trains ne serait que de six. Dès-lors, avec une seule voie, en distribuant dans un ordre aisé à découvrir pour chaque cas, les heures de départ, et en déterminant d’avance quelques points de station où l’un des convois devrait attendre l’autre, il serait possible d’assurer aux voyageurs une marche à peu près non interrompue, sans leur faire courir aucun risque, sans qu’un convoi fût exposé à se heurter contre un autre convoi allant en sens contraire. L’organisation du service deviendrait très facile sous ce rapport, si, d’espace en espace, et particulièrement aux abords des grandes villes, on doublait la voie sur un développement de deux ou trois lieues.

Avec deux trains pour les voyageurs dans chaque direction, l’on n’aurait à subir, entre Paris et Marseille, que deux momens d’arrêt, dont la durée ne dépasserait pas une demi-heure ; ce serait donc une heure seulement ajoutée au voyage. Le train des marchandises ne retarderait nullement celui des voyageurs, parce qu’il leur laisserait le champ libre en se tenant dans des gares d’évitement convenablement échelonnées sur toute la distance. Lors même que les délais qu’il subirait devraient, pour le plus grand avantage et la plus grande sécurité des hommes, être de quelques heures, il n’en résulterait aucun inconvénient. Au moyen de stationnemens, on pourrait, sans entraver la circulation entre les points extrêmes, ajouter un autre train spécialement destiné aux voyageurs allant et venant entre les points intermédiaires. En un mot, ce n’est pas se faire illusion que d’espérer qu’au lieu d’établir une double voie partout sur une grande ligne, on pourrait sans difficulté pour le service et sans danger pour le public, se borner à une seule pour la moitié ou les deux tiers du parcours. L’expérience des États-Unis, où l’on voyage plus que chez nous, et celle de la Belgique, qui est la portion plus peuplée du continent européen, ne justifie-t-elle pas cette espérance ?