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DE L’ALLEMAGNE.

la confédération, à présenter comme une puissance moins allemande que slave. En Hongrie, le cabinet de Vienne doit lutter à la fois, et contre le libéralisme moderne, et contre l’esprit féodal associé dans une opposition nationale. Les états de Transylvanie, dissous après une session de huit mois[1], signalée par des résistances violentes, pour ne pas dire séditieuses, ont révélé toute une situation qu’il est plus facile de cacher à l’Europe que de dissimuler à soi-même.

Des habitudes paternelles et des traditions persévérantes prêtent, sans nul doute, une grande force de résistance à cette monarchie si admirablement construite et si habilement conservée au milieu de tant d’orages ; et lorsqu’on a vu s’opérer sans aucun changement ni dans la pensée dirigeante, ni dans ses instrumens, la succession d’un règne à l’autre, les états constitutionnels ont pu envier peut-être ce calme profond dans une transition qui, depuis si longtemps, préoccupait le monde politique.

Il a pu suffire des rares qualités heureusement réunies dans un seul homme pour maintenir l’édifice chancelant de la grandeur autrichienne. Mais s’il est donné au grand médecin de prolonger une longévité, il lui est interdit de lutter à toujours contre des vices organiques. Or, bien que le cabinet autrichien ait su maintenir son importance en Europe, depuis 1815, en exploitant les craintes inspirées aux gouvernemens par les progrès du principe libéral, quelle est au fond sa véritable situation en Allemagne ? quelle est sa force propre et permanente ?

La Prusse, sous les dehors d’une amitié de commande, et fidèle à un rôle permanent dont ne détournent jamais des préoccupations temporaires, s’efforce de détacher de plus en plus de l’Autriche les sympathies des peuples allemands ; elle se pose comme seule expression de la nationalité germanique, et les lignes de ses douanes s’avancent de toutes parts jusqu’aux frontières de cet empire. Vers Berlin inclinent les espérances des cabinets ambitieux, qui préfèrent l’avenir sans passé au passé sans avenir.

La Russie menace l’Autriche plus directement encore par ses projets vers l’Orient. On sait la courte joie qu’excitèrent, à Vienne, les premiers succès des Turcs dans la campagne de 1828, joie qu’auraient réveillée les premiers succès des Polonais, si derrière la Pologne ne s’était montrée la révolution, cette ennemie plus redoutable que la Russie elle-même. Afin de lutter contre l’influence russe, l’Autriche, qui n’ose tirer le canon, prend des actions pour la navigation du Danube, dont la Russie occupe l’embouchure ; elle affecte les mêmes antipathies que le cabinet de Saint-Pétersbourg, tout en essayant de lui résister ; elle fait tout ce qu’il faut pour constater sa crainte, rien de ce qu’il faudrait pour constater sa force.

En face de cet empire au repos, s’élève la Prusse, jeune, confiante, justement fière de ses progrès et de son organisation intérieure.

Depuis 1815, deux pensées ont simultanément préoccupé ce gouvernement

  1. 6 février 1835.