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cette époque, comme tout l’aurait été en France aux premiers mois de 1830. Les électeurs renvoyèrent une chambre non moins vive, qui débuta par une proposition d’abolir la censure, admise malgré les efforts du gouvernement à une majorité plus considérable qu’aucune des motions précédentes. Ailleurs qu’en Wurtemberg, un tel conflit se serait vidé par une révolution ; mais les Allemands ont le bon esprit de comprendre qu’une telle issue est dangereuse, et d’ailleurs, avant de la commencer, ils voudraient, en gens prudens, être sûrs au moins de la finir. Or, étonnez-vous que le Wurtemberg ne fît pas une révolution tout seul, en face de l’invasion imminente de la Prusse et de l’Autriche !

Dans le grand-duché de Bade, les idées libérales, favorisées par l’accord du grand-duc et des états, avaient fait d’importantes conquêtes. La censure abolie fut remplacée par le régime, assurément peu prudent, de la liberté absolue de la presse. Les résolutions de Francfort vinrent abolir une conquête que cette partie de l’Allemagne rhénane avait saluée de bruyans applaudissemens. Les ordres de suppression de feuilles, les poursuites contre les écrivains désignés, toutes les injonctions, enfin, de la diète, durent être d’autant plus sévèrement exécutées par le gouvernement badois, qu’il inspirait moins de confiance, et que le grand-duché était l’objet d’une surveillance plus directe.

En vain la chambre des députés protesta-t-elle avec énergie ; en vain se faisait-elle, dans une adresse respectueuse, « l’interprète des inquiétudes profondes d’un peuple fidèle, dont l’esprit, attaché à la légalité, était resté étranger à tous les moyens comme à tous les efforts illégaux. » De telles paroles devaient nécessairement demeurer sans résultat, car la subordination de la faiblesse à la force reste une vérité au xixe siècle comme en tout autre. Aussi le grand-duc Léopold se borna-t-il à répondre que « les résolutions de la diète n’avaient jamais eu la tendance qui leur était prêtée, et que leur exécution fédérale ne serait nullement en opposition avec ses devoirs comme prince constitutionnel. »

M. de Rotteck réclama la nomination d’une commission d’enquête chargée de proposer tous les moyens qu’appelait la gravité des circonstances. Une telle motion consacrait implicitement la prétention de la chambre à modifier la décision prise par le grand-duc, comme membre de la confédération germanique ; elle le plaçait, devant celle-ci, dans une situation que la diète

    n’entend nullement menacer l’existence de la constitution du pays, et que tel n’en a pu être le dessein, puisque l’acte final de Vienne établit formellement que les constitutions d’états, ayant une existence reconnue, ne peuvent plus être modifiées que par la voie constitutionnelle. Il n’y a donc, sous aucun rapport, de motif de craindre qu’il soit fait de ces décrets de la diète un usage quelconque qui ne serait pas en harmonie avec la constitution, et le gouvernement continuera, comme jusqu’ici, à maintenir la constitution avec une consciencieuse fidélité, et dans toutes ses stipulations, soit qu’elles concernent le droit des états à concourir à la législation et à voter les impôts, ou bien qu’elles soient relatives à tout autre droit assuré aux citoyens wurtembergeois. » (Déclaration ministérielle, 28 juillet 1832.)