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fondement appuyer sur les principes énoncés d’une manière générale dans l’acte final de 1820[1].

Ces décisions eurent un double effet : si d’un côté elles en finirent avec l’émeute et rétablirent sur ses bases la société violemment ébranlée, de l’autre, on vit se développer, à l’ombre de cette sécurité même, un esprit constitutionnel et légal qui, jusqu’alors, n’avait guère pu se produire. Ces idées ont été vaincues sans doute autant que des idées peuvent l’être, et en cela la diète fédérale doit être considérée comme ayant atteint son but. Toutefois, dans cette lutte, plutôt suspendue que finie, l’Allemagne s’est montrée sous un aspect nouveau ; c’est celui-là qu’il faut embrasser sans trop tenir compte du succès d’un jour, accident sans importance dans la vie des peuples, et qui n’engage pas leur avenir. Pour bien comprendre les résistances de l’opinion

  1. Cette affaire est assez importante pour qu’il soit à propos de bien fixer le point de droit public qu’elle soulève.

    L’acte pour la constitution fédérative de l’Allemagne, du 8 juin 1815, porte, article 13 : « Il y aura des assemblées d’états (landstandische verfassungen) dans tous les pays de la confédération. »

    Pendant cinq années, ce texte fut la seule base des discussions de la presse, la seule règle des gouvernemens germaniques. Enfin, le 15 mai 1820, fut publié l’acte final (schluss-acte) pour compléter l’organisation de la confédération germanique. Ce document s’exprime sur les questions politiques avec plus de développemens ; on sent qu’il émane d’une époque où les cabinets se trouvent en présence de dangers plus sérieux. Il consacre implicitement, quoique dans un sens moins étendu, les droits dont s’est prévalue la diète de Francfort en 1832. L’article 56 porte, il est vrai, que les constitutions d’états existantes ne peuvent être changées que par les voies constitutionnelles (nur auf verfassungsmassigem wege) ; mais immédiatement après viennent les dispositions suivantes :

    « La confédération germanique étant, à l’exception des villes libres, formée par des princes souverains, le principe fondamental de cette union exige que tous les pouvoirs de la souveraineté restent réunis dans le chef suprême du gouvernement, et que, par la constitution des états, le souverain ne puisse être tenu d’admettre leur coopération (mitwirkung) que dans l’exercice de droits spécialement déterminés. 57.

    « Aucune constitution particulière ne peut ni arrêter, ni restreindre les princes souverains confédérés dans l’exécution des devoirs que leur impose l’union fédérative. 58.

    « Dans les pays où la publicité des délibérations est reconnue par la constitution, il doit être pourvu par un règlement d’ordre (durch die Geschaftsordnung) à ce que ni dans les discussions même, ni lors de leur publication par la voie de l’impression, les bornes légales de la liberté des opinions ne soient outrepassées de manière à mettre en péril la tranquillité du pays ou celle de l’Allemagne entière. 59. »

    Enfin le droit d’intervention, pour les cas où une révolte intérieure menacerait la sûreté des autres états de la confédération, est formellement reconnu par les articles 15 et 16 *.

    On voit donc que les décrets de Francfort sont fondés en droit ; mais qu’ils excèdent évidemment la pensée première des négociateurs. Il est manifeste, par exemple, que l’article 59 ne comporte nullement les suppressions arbitraires de journaux et écrits politiques, sur simple notification de la diète ; il présuppose, au contraire, que le règlement d’ordre, destiné à prévenir les abus de la presse, sera fait par chaque état, selon les formes constitutionnelles.

    En résumé, les ordonnances de Francfort sont légales dans le sens où l’étaient les ordonnances de juillet, car l’acte final de 1820 est basé tout entier sur l’existence d’un article 14.

    * Nouveau Recueil des Traités de Paix, par Martens, tome v.