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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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31 mars 1838.


La coalition qui devait en finir du ministère, dans la discussion des fonds secrets, consent à le laisser vivre, mais non pas respirer, jusqu’à la discussion de la proposition de M. Gouin sur les rentes. Le ministère a profité de ce répit, qu’on veut bien lui laisser, pour donner communication d’un traité qu’il vient de conclure avec le gouvernement de notre ancienne possession de Saint-Domingue. Ces négociations, commencées à l’époque où se faisait l’expédition de Constantine, ont été couronnées, comme cette expédition, par un heureux résultat, et, cette fois, sans qu’il en ait coûté un seul soldat à la France. On voit que le petit ministère ne se lasse pas de faire de petites choses, et d’exciter la pitié.

Le résultat de la négociation avec Haïti semble presque inespéré, quand on songe à l’aigreur qui s’était élevée dans nos relations avec cette république, et quand on connaît sa situation peu florissante. Si le gouvernement français avait résolu de traiter avec le gouvernement haïtien sur le pied de la restauration, en ne lui accordant qu’une reconnaissance conditionnelle, ou en le taxant arbitrairement, non d’après ses ressources, mais selon les prétentions individuelles, les voies de négociation n’auraient pas même été ouvertes, et la France eût été réduite à en venir à des extrémités toujours fâcheuses et certes moins profitables qu’un traité. Le choix des commissaires témoigne seul du soin et du tact avec lesquels a été traitée cette affaire par M. Molé. M. de Las Cases se présentait à Saint-Domingue avec un nom vénéré dans tout le pays, et qui se rattache aux premières améliorations sociales qui y ont été tentées, il y a trois siècles. Un de ses aïeux, le célèbre évêque Las-Casas, avait déjà élevé jadis la voix en faveur du peuple haïtien, qui n’a pas oublié sa mémoire. L’envoi de M. de Las-Cases, autant que son caractère modéré et conciliant, disait assez la nature de sa mission, appuyée cependant par des forces imposantes et telles qu’il convient d’en déployer quand une grande nation comme est la France, réclame l’exécution des traités et parle au nom de ses droits. De prompts résultats ont répondu à tous ces soins, et MM. de Las-Cases et Bau-