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mon roi ! » Si la France, bientôt après, ne s’en était mêlée, Ferdinand allait où Richard conduisit Louis XVI. La milice marcha sur le peuple ; un bourgeois menaça de son sabre don Carlos, ce dernier des rois qu’attend une si pesante couronne. À Valence, un détachement d’artillerie voulut délivrer le général Ellio, renfermé dans la citadelle. Les insurgés de Catalogne, régularisés, avaient pris le nom de l’armée de la foi. La Seu d’Urgel fut emportée d’assaut.

Le roi quitta sa résidence : il mit fin à la session le 30 juin 1822. Au sortir de la séance, les soldats et la milice en vinrent aux mains. Landaburu, officier d’opinion constitutionnelle de la garde, fut tué, et Morillo nommé colonel des gardes.

Pendant six jours, le trouble alla croissant. D’un côté, les troupes royales, de l’autre la milice et des régimens de la ligne étaient campés en face les uns des autres, à l’ardeur de la canicule, sabre nu, mèche allumée. Cependant on paraissait enclin à s’arranger dans le château ; il était question de l’établissement de deux chambres. Le corps diplomatique entourait sa majesté : M. le comte de la Garde poussait à des mesures conciliantes. Le malheur agissait enfin sur la raison. Soudain un régiment de carabiniers se révolte en Andalousie ; quelques bataillons de milice provinciale se joignent à ce régiment, et tous ensemble s’avancent sur Madrid en proclamant le roi netto. À cette nouvelle, les têtes royales s’enivrent ; Ferdinand retourne à sa nature et rompt les négociations qui l’auraient sauvé.

Le 7 juillet arriva : deux bataillons de la garde étaient demeurés au château ; quatre autres allèrent camper hors de Madrid ; ils entrèrent de nuit dans la ville. Suivant les dispositions d’un complot prévoyant, ils se partagent en trois colonnes ; l’une marche au parc d’artillerie, l’autre à la porte Del Sol, la troisième à la place de la Constitution. La fortune n’appartenait plus à la monarchie : la première division se débanda ; quelques coups de fusil tirés du bataillon sacré des officiers la dispersèrent ; la seconde et la troisième division sont successivement culbutées ; les deux bataillons du château demeurèrent sans ordres : à six heures du matin la milice l’emportait. Un Te Deum est chanté sur la place de la Constitution. En Espagne, on loue Dieu de tout, même du mal ; en France, on ne le remercie de rien. Monvel appelait sur lui la foudre, comme si Dieu s’embarrassait du bruissement d’un insecte.

La garde étant vaincue fut cassée : ce qui en restait se voulut défendre, on la mitrailla. Ces exécutions semblaient alors des évènemens d’impérissable mémoire ; les lieux qui en furent les témoins