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ŒUVRES D'HISTOIRE NATURELLE DE GOËTHE.

étaient unies, c’est-à-dire que la poésie servait à consacrer les découvertes de la science ; mais il n’est pas donné au poète de pénétrer, sans études préalables, dans une spécialité des connaissances humaines et d’en agrandir le domaine. S’il suffisait de la poésie pour connaître la cause des choses, un des plus grands poètes qui ait paru dans le cours des temps, Virgile, aurait enrichi le monde de découvertes, lui qui adorait avec une sincérité si profonde les magnificences de la campagne, lui que charmait l’harmonie des forêts, des champs et des mers, lui qui regrettait tant de ne pouvoir aborder les hauteurs de la nature (naturæ accedere partes). C’est se faire une fausse idée, suggérée par l’existence des anciens poèmes cosmologiques, que de croire que la poésie ouvre par elle-même des aperçus dans la science. Elle y tient sans doute, elle a aussi sa racine dans la réalité des choses, elle a sa portée scientifique, mais c’est tout autrement qu’on ne le croit généralement. J’essaierai peut-être ailleurs d’expliquer de quelle façon, suivant moi, ce rapport existe.

Parmi les travaux importans, mais spéciaux, de Goëthe en anatomie se trouvent ses recherches sur l’os intermaxillaire dont il a prouvé, chez l’homme, l’existence niée par Camper, qui avait voulu faire, de l’absence de cet os, un caractère distinctif de l’espèce humaine. Il faut ne pas oublier, non plus, ce qu’il a fait pour démontrer que le crâne est composé de véritables vertèbres, modifiées seulement dans leurs formes.

En effet les formes organisées, pour être bien conçues, ont besoin d’être étudiées aussi bien dans l’animal foetus que dans l’animal arrivé à son plein développement. Fougeroux, membre, dans le siècle dernier, de l’Académie des sciences, en défendant la théorie de Duhamel, son oncle, sur la formation des os, découvrit que l’os du canon, qui est unique dans les animaux adultes de l’espèce du taureau, est double dans les foetus de cette même espèce. Bientôt après la naissance, ces os séparés s’unissent ; les deux côtés par lesquels ils adhèrent se changent en une lame intérieure qui sépare l’os en deux cavités ; dans la suite, cette lame disparaît ; une membrane, qui même ne subsiste pas dans tous les individus, en prend la place, et on voit succéder à ces deux os un os unique qui n’a plus qu’une seule cavité. Condorcet, qui rapporte cette observation, ajoute : « Les différences, entre l’animal foetus et l’animal adulte, sont un de ces phénomènes de la nature dont la liaison avec les lois générales n’est pas encore connue ; et tous les faits particuliers, qui, par leur rapprochement, peuvent conduire à la deviner un jour, méritent d’intéresser les physiologistes