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ŒUVRES D'HISTOIRE NATURELLE DE GOËTHE.

globe avaient été des existences passées dont les existences actuelles sont les héritières, et les découvertes d’une science future seraient venues justifier sa proposition. Ainsi, quand on objectait à Copernic que, si son système était vrai, Vénus devrait paraître avec des phases comme la lune, il répondit qu’en effet elle se montrerait sous cette apparence si on parvenait jamais à la mieux voir. Les télescopes montrèrent, long-temps après, Vénus comme Copernic l’avait annoncée.

Un des plus sages et des plus nobles philosophes de l’antiquité, Épictète a dit : « Jupiter a mis l’homme sur la terre, non-seulement pour être le spectateur des œuvres divines, mais encore pour en être l’interprète. » Cette pensée est une des plus profondes que l’on puisse concevoir. En effet, quoi de plus frappant que cette curiosité ardente et rapide qui entraîne le genre humain dans la voie de la science ? L’homme ne passe plus, s’il a jamais passé, indifférent à côté des objets de la nature. Il veut les connaître ; et quand il les a connus, il veut les expliquer, c’est-à-dire remonter aux lois qui les régissent. C’est là l’esprit scientifique dans toute sa portée, esprit scientifique éveillé bien long-temps avant les beaux siècles de la Grèce, mais qui, sorti alors des temples et des castes, changea le monde et produisit tous les germes qui vont se développant d’âge en âge et d’avenir en avenir. L’utilité de la science, toute grande qu’elle est, recule devant la vérité de la science, et n’occupe que le second rang aux yeux de quiconque sait comprendre quelle valeur infinie appartient à la connaissance de la réalité des choses.

À Goëthe revient l’honneur d’avoir été un des premiers frappé de la ressemblance des êtres, et d’avoir conçu que ces ressemblances prouvaient l’existence d’une loi commune d’organisation. Il doit être regardé comme un des auteurs qui ont contribué à fonder la moderne et brillante science de l’anatomie philosophique. Aussi comprenait-il bien la portée de ses idées, et il souffrait de les voir méconnues, et méconnues parce qu’il était un grand poète.

« Depuis un demi-siècle et plus, dit-il, je suis connu comme poète dans mon pays et même dans les pays étrangers, et on ne songe pas à me refuser ce talent. Mais ce qu’on ne sait pas aussi généralement, ce qu’on n’a pas suffisamment pris en considération, c’est que je me suis occupé sérieusement et longuement des phénomènes physiques et physiologiques de la nature, que j’avais observés en silence avec cette persévérance que la passion seule peut donner. »

Et ailleurs, après avoir énuméré les difficultés qu’une découverte trouve à se faire jour, il ajoute :