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ŒUVRES D'HISTOIRE NATURELLE DE GOËTHE.

est à leur tête, sont tous modelés d’après des formes analogues ; et, imbu de cette idée, Camper, un morceau de craie à la main, métamorphosait, sur une ardoise, le chien en cheval, le cheval en homme, la vache en oiseau. Ces comparaisons ingénieuses et hardies tendaient à développer, chez les hommes d’étude, les sens intérieurs ou intellectuels, qui trop souvent se laissent emprisonner dans le cercle des apparences extérieures. »

Plus, en effet, l’anatomie comparée faisait de progrès et agrandissait le cercle de ses recherches, plus les similitudes de l’homme avec les animaux éclataient de toutes parts. Les anciens philosophes l’avaient entrevue, et les pythagoriciens, qui pressentaient partout des harmonies, disaient que nous avons non-seulement une communauté entre nous et avec les dieux, mais encore avec les animaux ; vaste pensée dont je n’ai ici à examiner qu’un côté, celui de notre communauté avec les êtres inférieurs de la création.

Sur la fin du siècle dernier, les détails de ressemblance s’étaient tellement multipliés, que l’idée d’analogie, de dessin général, de plan, d’unité d’organisation, de type, se présenta à plusieurs esprits éminens, et à Goëthe un des premiers. On quitta l’étude des différences pour commencer celle des ressemblances ; et c’est ainsi que naquit l’anatomie philosophique.

La question qui s’est débattue en 1830, entre MM. Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, et à laquelle Goëthe avait consacré tous ses travaux de naturaliste, est donc de savoir s’il y a une loi, et quelle est la loi de communauté qui existe entre tous les animaux, y compris l’homme. Les diverses espèces ont-elles, dans leur organisation même, un lien qui les associe ? Et, dans le cas de l’affirmative, de quelle manière peut-on concevoir ce lien ? Voilà le problème réduit à ses élémens les plus généraux, à ceux où tout le monde peut le comprendre et en apprécier la portée.

La première proposition n’est pas contestable et n’est plus contestée pour de très nombreuses séries d’animaux, par exemple pour les vertébrés, dont je parlerai seulement ici, voulant laisser la question dans des termes non controversés. Un lien intime associe les animaux par leur organisation même. Les exemples en sont infinis et les preuves irréfragables. Considérez en effet le crâne d’un homme, d’un quadrupède, d’un oiseau, d’un reptile, d’un poisson, et vous serez frappé de la similitude des formes fondamentales. Remarquez en outre que ces crânes contiennent, chez les uns et les autres, le cerveau ; qu’ils sont percés, chez les uns et chez les autres, des mêmes