Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/88

Cette page a été validée par deux contributeurs.
84
REVUE DES DEUX MONDES.

d’élire était accordé au plus grand nombre, le pouvoir de faire les lois était dévolu à une seule assemblée, et le principe de l’égalité civile s’élevait sur la ruine de tous les anciens priviléges. Cette révolution dont il avait, je ne dirai point préparé, mais désiré les résultats, était déjà accomplie lorsque M. Rœderer fut député à l’assemblée constituante, par la ville de Metz, en octobre 1789. La ville de Metz avait le droit unique de nommer aux états-généraux un député qui était le représentant des trois ordres. La noblesse avait fait pencher le choix de la ville sur un concurrent de M. Rœderer, dont les opinions lui convenaient davantage et dont l’élection avait été cassée. Cette fois M. Rœderer fut choisi et alla siéger dans l’assemblée qui avait tout détruit, mais à laquelle il restait tout à fonder.

Il y fut accueilli comme un des généreux serviteurs de la cause qui venait de triompher. Il s’associa à tous les changemens qui furent alors opérés, et il professa les principes les plus démocratiques.

Venu trop tard pour être nommé membre du comité de constitution qui était déjà formé, M. Rœderer fit partie du comité de contribution dans lequel l’appelaient ses vastes connaissances en matière économique. Il y eut pour principaux collègues le duc de Larochefoucault, Dupont de Nemours, Adrien Duport, Defermont, M. de Talleyrand. L’assemblée constituante qui donnait à la France une nouvelle division territoriale, une nouvelle organisation intérieure, une nouvelle forme de gouvernement, une nouvelle législation civile, devait lui donner un nouveau système d’impôts Sur quels principes ce système devait-il reposer désormais ? Sur le principe politique de l’égalité des personnes et sur le principe économique de la répartition pondérée de l’impôt. La justice sociale voulait que les charges fussent en rapport avec les avantages, et que celui qui recevait le plus de l’état en protection contribuât le plus de son argent à alimenter sa force. La raison économique voulait que l’impôt ne fût pas demandé à un seul genre de richesses de peur de l’épuiser, et qu’il fût tiré des sources diverses de la fortune privée, avec assez de prévoyance pour suffire au besoin public, et avec assez de mesure pour n’en tarir et même n’en altérer aucune.

Devant cette idée du droit et cette vue de la science, disparurent les priviléges de la société du moyen-âge et les imperfections du système financier de la monarchie absolue. Les terres furent égales devant l’impôt comme les personnes devant la loi. Le travail fut imposé, mais ne fut pas écrasé. On ne le saisit plus sur la terre qu’il venait de rendre féconde en lui demandant la dîme de ses produits ; on n’ar-