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Pierre Louis Rœderer naquit le 13 février 1734, à Metz. Son père était premier substitut du procureur-général du parlement de Metz ; c’est sur son réquisitoire que l’ordre puissant des jésuites avait été expulsé du ressort de ce parlement, en 1766, et sur ses démarches que ce parlement lui-même, supprimé en 1771, par le chancelier Maupeou, avait été rétabli en 1773. Aussi, les trois états de la ville de Metz, pénétrés de reconnaissance pour ses efforts et pour leur succès, lui donnèrent le titre de grand et généreux citoyen. Ils ne bornèrent point à cette flatteuse manifestation le témoignage de leur gratitude. Ils lui offrirent d’acheter eux-mêmes une charge d’avocat-général, dans le parlement rétabli pour le jeune Pierre Rœderer son fils. Touché de ces marques de la bienveillance publique, l’austère magistrat refusa cependant une adoption dont l’honneur, à ses yeux, était peut-être un peu gâté par l’argent, et qui devait être remplacé plus tard par une adoption plus glorieuse, l’envoi de Pierre Rœderer à l’assemblée constituante comme député même des trois états.

Le jeune homme sur lequel se portaient ainsi les regards et les faveurs de ses concitoyens n’avait alors que vingt-un ans, et déjà depuis quatre années il était avocat et avait plaidé avec distinction. Dès qu’il eut atteint l’âge de vingt-cinq ans, il acheta une charge de conseiller au parlement de Metz. Tout était alors à refaire ; les juges n’étaient pas contens des lois, les sujets du gouvernement, ni le gouvernement de lui-même.

Les membres nouveaux des parlemens, disciples des philosophes du xviiie siècle, étaient à l’avant-garde du parti réformateur ; et, de la haute position qu’ils occupaient, ils montaient à l’assaut de la vieille monarchie. M. Rœderer fut un de ceux qui se présentèrent avec le plus de résolution. Le parlement de Metz, frappé de son ardeur et fier de son talent, s’empressa de les mettre à profit, en le chargeant de rédiger ses remontrances, fréquentes alors, contre la cour.

Ce rôle plus politique que judiciaire convenait à M. Rœderer. Il s’y était préparé par ses études et par ses idées. Il avait reçu cette forte culture du temps qui a donné tant d’hommes supérieurs à l’état et tant de grands hommes à la science. Il avait appris la législation compliquée d’après laquelle se rendait la justice et s’administrait le royaume. Mais la science des lois, quoique plus vaste à cette époque que dans la nôtre, précisément parce qu’elle était moins simplifiée, ne suffisait point aux jurisconsultes. Ils y joignaient des études plus hautes encore. L’homme, l’histoire, la morale, la politique, objets du travail universel des intelligences, appelaient aussi leurs méditations. Tout le monde étudiait alors, et l’on regardait les connaissances comme la