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REVUE. — CHRONIQUE.

Bretagne, au Canada, à la Nouvelle-Galles du sud, dans les Antilles et dans les établissemens du sud de l’Afrique. L’honorable membre proposait, en conséquence, une adresse à la reine, pour se plaindre de l’administration de lord Glenelg, et solliciter son éloignement. Il était soutenu, dans cette motion, par M. Leader et les radicaux, qui espéraient se trouver d’accord avec sir Robert Peel et le parti tory. Mais le parti tory et le parti des whigs ont donné, encore cette fois, un exemple à leurs voisins de France, du centre droit et de la gauche. Cette velléité d’alliance entre deux partis opposés a été rompue aussitôt que formée, et rompue des deux parts. Le parti tory jugea que l’alliance radicale n’était pas faite pour lui, et chargea lord Sandon de présenter un amendement à la motion de sir Williams Molesworth. Par cet amendement, tout le ministère se trouvait compris dans l’accusation de lord Glenelg. On savait d’avance que les amis de sir Williams ne s’engageraient pas dans une telle entreprise. En effet, après deux jours de débats, la motion principale fut retirée, et 316 voix contre 287 rejetèrent l’amendement tory. Les tories et les whigs ont donc montré quelque dignité en cette affaire : les tories, en refusant de prendre le pouvoir de la main des radicaux, et en déclarant qu’ils ne rentreront aux affaires que lorsqu’ils pourront y faire triompher leurs principes ; les radicaux, en refusant de s’associer à l’amendement par lequel ils se trouvaient amenés à blâmer l’ensemble des mesures du cabinet, dont quelques-unes reposent sur leurs principes. Il y a dans tout ceci quelques notions de dignité, et des traditions de gouvernement représentatif, sur lesquelles nos hommes d’état feraient bien de méditer pendant quelques momens.

Les journaux ont parlé d’un démêlé entre M. de Flahault et M. le général Beaudrand, premier aide-de-camp de M. le duc d’Orléans. Tout ce qui touche au prince royal offre un degré d’intérêt qui ne permet pas de traiter ce débat comme une affaire tout-à-fait insignifiante, et nous croyons qu’elle mérite d’autant plus d’attention, qu’on a semblé insinuer que M. le duc d’Orléans avait sacrifié M. de Flahault au général Beaudrand. Le caractère de M. le duc d’Orléans éloigne cette pensée ; mais M. Beaudrand est le précepteur de M. le duc d’Orléans ; sa place est marquée près de lui, et ce n’est pas M. de Flahault, dont la loyauté et le caractère sociable sont si connus, qui pourrait désirer l’éloignement de M. le général Beaudrand. Le débat roulait sur un fait qu’il n’était au pouvoir de personne de changer. M. de Flahault, premier écuyer du prince, a vingt ans de grade de lieutenant-général de plus que le général Beaudrand. Il s’ensuivait que M. Beaudrand, plus ancien dans la maison du prince, se trouvait naturellement amené à céder le pas à M. de Flahault dans toutes les solennités militaires. Toutes les difficultés semblaient aplanies par M. de Flahault, qui avait consenti à se mettre sur un pied d’égalité, si M. le général Beaudrand n’eût rédigé un traité précédé de considérations auxquelles M. Flahault ne pouvait souscrire. M. de Flahault a donc donné sa démission, emportant avec lui l’estime et l’amitié du prince royal. Tout serait dit si nous ne voulions faire justice d’une accusation banale portée contre M. de Flahault. On a avancé quelque part qu’il avait voulu introduire un esprit d’aristocratie et d’étiquette dans la maison du duc d’Orléans. C’est mal l’apprécier. L’aristocratie du mérite a toujours été la seule qu’il ait voulu reconnaître dans toutes les invitations qu’il a données pour M. le duc d’Orléans, et en cela il était d’accord avec le prince, si bon appré-