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c’est la chambre des députés qui doit l’emporter. La souveraineté parlementaire est établie, par M. Duvergier, dans toute sa rigueur. Les doctrinaires n’ont plus rien qui les sépare de l’opposition de gauche, et c’est au nom de ces principes si nettement exprimés, qu’ils se disposent, sans doute, à voter avec elle. En refusant, l’an dernier, de s’associer à M. Guizot, M. Thiers avait dit : les hommes sans les choses. Il semble que M. Duvergier ait uniquement voulu remplir le programme de M. Thiers. Mais que devient alors le discours de M. Guizot aux électeurs de Lizieux ?

Mais ce n’était là, en quelque sorte, que la précaution oratoire du mouvement politique qu’on se disposait à opérer. Déjà le public et la chambre devaient se trouver bien avertis qu’une grande réforme s’était faite dans le parti doctrinaire, et qu’on en avait écarté tout ce qui pouvait encore empêcher les catholiques de la droite et les constitutionnels de la gauche de se réunir à lui. Il paraît qu’il y a peu de jours on a passé à l’action, et qu’une sorte de coalition s’est formée entre quelques membres du centre gauche et le parti doctrinaire. Il faut rendre justice à la partie du centre gauche dont nous parlons. Ce sont les doctrinaires qui viennent à elle avec des paroles et des principes qui appartiennent en propre au centre gauche, sauf à changer de ton, quand il y aura lieu. Or, si le centre gauche est dupé en cette affaire, assurément les avis ne lui auront pas manqué.

La discussion des fonds secrets, pour laquelle on avait fait tous ces préparatifs, s’est ouverte par un discours de M. Jaubert qui avait été annoncé d’avance, et, selon quelques journaux, lu, relu et amendé dans une réunion où figuraient tous les membres influens du parti doctrinaire. Il en résulte que ce discours ne peut être regardé, ainsi que la plupart des discours de M. Jaubert, comme un acte isolé. Si les bouffonneries où se complaît si souvent l’esprit d’ailleurs assez distingué de M. le comte Jaubert, l’ont déjà fait comparer à la trompette des tréteaux de la foire, on peut dire aujourd’hui qu’elle a été embouchée par quelques hommes sérieux, et qu’elle mérite ainsi davantage qu’on l’écoute. Assurément il est commode de jeter contre ses adversaires un homme vif et léger, qui n’attache pas lui-même une grande importance à sa parole, et se livre à toute la passion dont affectent de se montrer dépouillés ceux qui l’applaudissent et qui l’excitent. Il en était ainsi quand M. Fonfrède s’escrimait, dans le Journal de Paris, contre toute notre organisation sociale. On se réservait de recueillir le fruit de ses boutades, si elles avaient réussi, ou de le renier, comme vient de faire M. Duvergier de Hauranne. Mais cette méthode, toute commode qu’elle est, ne saurait durer long-temps ; et aujourd’hui personne ne doute dans la chambre que M. Jaubert n’ait été l’écho de la pensée intime de ses amis, un indiscret lancé à dessein.

M. Jaubert venait donc sommer le ministère de dire ce que la chambre a fait depuis trois mois qu’elle est assemblée, tandis que M. Jaubert et ses amis se plaignaient ailleurs de la quantité de projets de loi dont le ministère encombre la chambre. M. Jaubert voudrait donc que le ministère examinât lui-même les projets de loi, et fît l’office des commissions ? Mais voyons le reproche en lui-même. Le ministère a présenté le budget d’abord ; un projet de loi d’économie politique, qui a été discuté ; un projet de loi d’organisation judiciaire, à la discussion duquel ont pris part les meilleurs esprits de la chambre ; un projet de loi départementale, dont le ministre de l’intérieur