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LETTRES
SUR
LES MUSICIENS FRANÇAIS.

i.
M. HALÉVY.
Guido et Ginevra.

Novalis se plaint au second chapitre de Henri d’Ofterdingen, ce trésor de poésie et de grace, qu’il y ait dans la musique une partie matérielle, saisissable aux intelligences ordinaires. Pour ma part, je comprends les suaves regrets et les douces paroles de cet esprit charmant qui ne se veut nourrir que de la pure essence des choses, non que je conserve, pour ce qui regarde la science proprement dite, une aversion singulière ; à Dieu ne plaise ! un beau travail de contrepoint me semble une rare et curieuse étoffe de sons, faite par un tisserand fort habile, et j’estime une fugue à sa valeur ; mais souvent, en voyant ce qui arrive sous nos yeux, je ne puis m’empêcher de penser à ce blond jeune homme si pur, qui ne veut des sensations extérieures que la plus douce fleur, et, qu’on me passe l’expression, les distille à l’alambic de sa nature exquise ; et j’avoue qu’alors les paroles mélancoliques de Novalis puisent dans certains exemples contemporains une force de loi qui les consacre.