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ORIGINES DU THÉÂTRE.

c’est-à-dire, sur la partie située au-dessous du proscenium et la plus voisine des spectateurs. Ceux qu’on voyait dans les rues et les carrefours étaient plus particulièrement les Planes, espèce de mystificateurs publics dont les poètes comiques, entre autre Denys de Sinope, Nicostrate et Théognète, nous ont conservé quelques traits[1]. Il y avait aussi les Γελωτοποιοί qui passaient souvent de la place publique dans les festins[2]. Ces bouffons pullulèrent tellement à Athènes, qu’ils y formaient, du temps de Philippe de Macédoine, une sorte de corporation qui se réunissait dans le Diomée, ou temple d’Hercule. On les nommait les soixante à cause de leur nombre. Nous savons les noms de quelques-uns. Les bons mots de ces farceurs avaient acquis une assez grande célébrité pour que Philippe leur envoyât un talent, avec prière de lui faire passer par écrit toutes les plaisanteries de leur assemblée[3].

L’existence à Athènes d’une confrérie bouffonne n’a rien qui doive nous surprendre. Tout en Grèce était alors associations et confréries ; les chœurs religieux, les sacrifices publics, les théories, les initiations aux mystères, les représentations dionysiaques, donnaient lieu à des confréries, θίασοι[4]. Il y avait jusqu’à des compagnons ou confrères en fait de musique[5], comme nous en verrons au moyen-âge.

La grande compagnie des comédiens avait Bacchus pour patron. Tous les membres indistinctement portaient le nom d’artisans dionysiaques, ce qui n’empêchait pas cette corporation nombreuse et fort mêlée de se sous-diviser en plusieurs sociétés distinctes. Quelques-unes de ces compagnies de comédiens étaient fort honorées. Ceux, entre autres, qui coopéraient aux représentations solennelles et qui participaient aux concours tragiques, comiques ou satiriques, jouissaient de la haute considération attachée à ces importantes fonctions religieuses et nationales. Aussi verrons-nous à Athènes les acteurs de tragédie et de comédie souvent chargés d’ambassades[6]. Il n’en fut pas de même des comédiens du second ordre, c’est-à-dire, de ceux qui jouaient chez les particuliers et dans les carrefours, ni même des acteurs qui représentaient sur les théâtres publics, hors des jours solennels, sans l’assistance des chœurs nationaux et sans espoir d’être couronnés. Cette classe subalterne d’artisans dionysiaques reçut la dénomination commune de mimes. Ces acteurs populaires, précurseurs de Thespis, ont devancé le grand théâtre national et lui ont survécu.

MIMES

Le nom de mime n’est pas, à beaucoup près, aussi ancien que la classe d’artistes à laquelle il s’applique. En effet, cette expression n’apparaît guère en Grèce avant l’archontat d’Euclide. Ce mot, d’ailleurs, eut dans la langue

  1. Athen., lib. xiv, pag. 615, E, seqq. — Par une étymologie forcée, on a mal à propos rapproché les planes de la planipedia romaine.
  2. Xenoph., Sympos., cap. I, § 12, et cap. IV, § 50.
  3. Athen., lib. xiv, pag. 614, D, seqq.
  4. Aristoph., Thesmoph., v. 40. — Poll., lib. iv, cap. 7 et 8. — Athen., lib. ix, pag. 362, E. — Harpocr. et Hesych., voc. Θίασος.
  5. Μουσικῆς θιασώται, Plutarch., De musicâ, pag. 1131. E.
  6. Demosth., De fals. legat., pag. 295, D, E, et passim. — Æschin., De fals. legat., pag. 397, E, et passim.