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ORIGINES DU THÉÂTRE.

CHARLATANS. — JOUEURS DE GOBELETS. — DANSEURS DE CORDE.

Il y avait encore dans les carrefours de la Grèce, du temps d’Aristophane, d’Isocrate et de Théophraste, des charlatans, des devins, des diseurs de bonne aventure, des faiseurs de tours de toute espèce. Xénophon et son disciple Cratisthène de Phlionte, savaient préparer un feu qui s’allumait de lui-même. Diopithe de Locres alla un jour à Thèbes ayant, au lieu de ceinture, des vessies pleines de vin et de lait, qu’il faisait jaillir de manière à faire croire qu’il tirait ces fluides de sa bouche[1]. L’ancienne sphéristique[2] perfectionnée produisit les joueurs de gobelets et les escamoteurs : « Les épées lacédémoniennes sont si courtes, disait l’Athénien Démade, que nos joueurs de gobelets pourraient aisément les escamoter[3]. » On cite, parmi les plus célèbres prestigiateurs, Théodore et Euryclide. Les Istiéens ou Orites dressèrent dans leur théâtre, en l’honneur du premier, une statue d’airain tenant une petite boule. Les Athéniens ne rougirent pas d’élever au second, dans le théâtre de Bacchus, une statue non loin de celle d’Eschyle[4].

Cette inconvenance prouve, ce que nous savions d’ailleurs, que parfois les bateleurs donnaient leurs représentations sur les grands théâtres où accouraient les marchands étrangers, les nouveaux domiciliés ou métèques et les esclaves, tous gens qui n’entraient pas au théâtre les jours de représentations solennelles. À cette foule se joignaient les citoyens désœuvrés qui devaient ces jours-là payer leur place. « Vous le verrez, dit Théophraste, dans le portrait de l’impudent, parmi les farceurs qui amusent le peuple par leurs tours d’adresse, recueillir la recette à la porte et se disputer avec ceux qui prétendent entrer sans payer. »

Le simple saut de l’outre, fut aussi admis sur le théâtre, suivant le scholiaste d’Aristophane[5]. Alors l’outre était remplie d’air et non plus de vin[6]. De ce jeu d’équilibre sortirent peu à peu les danseurs de corde, appelés plus tard schœnobates[7], acrobates[8], névrobates et pétauristes[9].

MARIONNETTES.

Il n’y a pas jusqu’aux marionnettes qui n’aient été admises sur les théâtres grecs. Athénée reproche aux Athéniens de n’avoir pas rougi de prostituer aux marionnettes d’un certain Pothein la scène où naguère les acteurs d’Euripide avaient déployé leur enthousiasme tragique[10]. Eh quoi ! dira-t-on, les Grecs ont donc connu les marionnettes ? Oui, certes, et ils les avaient reçues des Égyptiens. Et puisque j’ai touché ce sujet assez peu grave, je ferai remarquer

  1. Athen., lib. i, pag. 19 et 20.
  2. Voyez un Mémoire de Burette sur la Sphéristique, Acad. des Inscript., tom. i, pag. 143 et suiv.
  3. Plutarch., Apophthegm. lacon., pag. 216, C.
  4. Athen., ibid.
  5. Schol. in Aristoph., Plut., v. 1130.
  6. Poll., lib. ix, cap. VII, § 121.
  7. La schœnobatie est recommandée comme exercice hygiénique dans Hippocrate. De victus rat., lib. iii, pag. 266, 55.
  8. On ne trouve pas dans les écrivains anciens le mot acrobate, mais seulement le verbe ἀκροβατέω. Voy. Lucian., Icaromen., cap. 10.
  9. Vopisc., Carin., cap. XIX.
  10. Athen., lib. i, pag. 19, E. — Eustath., pag. 457, 35, seqq.