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de ses troupes arrêté à voir combattre des coqs. Il l’exhorta à déployer contre l’ennemi autant de bravoure que ces volatiles. Après la victoire, on décréta la célébration annuelle d’un combat de coqs[1], auquel assistaient les jeunes gens. La scène préparée pour les combattans était un échafaud carré (πῆγμα τετράγωνον), que l’on élevait au milieu du théâtre[2]. Les Grecs soumettaient les coqs au même régime que leurs athlètes : on les nourrissait d’ail pour augmenter leur ardeur ; on leur donnait des maîtres qui les dressaient à combattre ; enfin, pour rendre les coups qu’ils se portaient plus meurtriers, on armait leurs ergots de longs éperons d’airain[3]. À Pergame on exerçait aussi les coqs à combattre en public, et cet usage existait encore du temps de Pline, qui compare ces combats à ceux des gladiateurs.

Les coqs de Tanagra en Béotie, et après eux ceux de Mélos et de Chalcis, étaient les plus estimés. Un grand nombre de monumens et surtout de pierres gravées reproduisent des scènes relatives à ces combats. Tantôt c’est le génie ailé de la palestre ou du cirque qui tient dans ses bras un coq vaincu, qu’il protège contre son fier antagoniste ; tantôt ce sont deux génies ailés, l’un joyeux de la victoire, l’autre triste de la défaite de son coq. Nous savons, d’ailleurs, que le coq vaincu était réputé l’esclave du vainqueur et passait en la possession du maître de l’oiseau victorieux. On lit dans Aristophane : « Je suis un oiseau esclave. — Est-ce que tu as été vaincu par un coq ? » Et dans les Dioscures de Théocrite : « Je t’appartiendrai si je suis vaincu ; tu m’appartiendras si je triomphe. — Ce sont là les conditions des combats que se livrent les oiseaux à la crête empourprée. » On peut voir sur un camée antique un génie agonothète qui décerne des palmes et des couronnes à des coqs vainqueurs[4]. Ces divers monumens prouvent que les combats de coqs étaient une sorte de parodie gracieuse des luttes athlétiques, et, envisagé de ce point de vue, ce divertissement avait quelque chose de véritablement dramatique.

LES PAONS.

Les Athéniens eurent encore un spectacle où les oiseaux jouaient un rôle, celui des paons. À chaque néoménie, ou fête de la nouvelle lune, on montrait au peuple et aux étrangers, qui affluaient alors à Athènes, un certain nombre de paons qu’on entretenait pour les plaisirs publics. Ce spectacle ne put avoir quelque attrait que tant que ces oiseaux asiatiques furent rares en Grèce : Antiphane dit, dans une de ses pièces, que les paons étaient devenus de son temps plus communs que les cailles. Je croirais volontiers que l’éclat du plumage et la fierté du port de ce volatile étaient pour les Athéniens une sorte d’emblème de l’orgueil persique. Aristophane se moque de la monotonie de ce spectacle, qui, tout peu spirituel qu’il fût, lui faisait peut-être une concurrence dangereuse[5].

  1. Ælian., Var. Hist., lib. ii, cap. XXVIII.
  2. Suid., voc. Τηλία.
  3. Schol. in Aristoph. Ach., v. 165 ; Equit., v. 492 ; Av., v. 730.
  4. Tassie, nos 6952, 57, 59.
  5. Athen., lib. ix, pag. 597, C, D. — Aristoph., Ach., v. 65.