J’ajouterai que les besoins de la composition musicale faisaient presque une nécessité du mélange des voix. Les Romains, qui ont tout pris de la Grèce, reconnurent l’utilité des voix de femmes dans les chœurs, comme on peut le voir dans Sénèque[1], et surtout dans le passage suivant de Macrobe :
« Un chœur ne se forme-t-il pas de plusieurs voix ? Toutes cependant semblent n’en faire qu’une : au ton aigu se joint le ton grave ; tous deux s’unissent au medium. La voix des hommes se marie à celle des femmes, et la flûte forme l’accompagnement ; aucune de ces voix n’est distincte, l’ensemble seul arrive à l’oreille, et de la dissonance naît l’harmonie[2]. »
C’est une bien belle page dans les annales de la démocratie d’Athènes que l’histoire de la choragie. Cette institution populaire fut la cause et la garantie de la liberté théâtrale, et créa dans Athènes une chose qui était sans modèle et qui est demeurée sans copie, la grande et vraie comédie politique. Alors les chœurs comiques, avec leurs hardies parabases ou allocutions directes au peuple assemblé, furent presque un des pouvoirs de l’état ; alors Platon put définir avec un dédain spirituel la constitution d’Athènes une théâtrocratie. Pendant cette merveilleuse période de liberté scénique, qui dura jusqu’à l’archontat d’Euclide, les gouvernemens étrangers, le sénat de Sparte et même le Grand Roi s’enquéraient des productions des Comiques d’Athènes, comme nous nous enquérons des pamphlets de Londres ou des articles de la Gazette d’Augsbourg ; alors Platon envoyait à Denys de Syracuse les comédies d’Aristophane, en lui recommandant de les lire avec attention, s’il voulait connaître à fond l’état des partis à Athènes. Cette puissance de la comédie politique, et, par suite, de la choragie athénienne, fut brisée avec le gouvernement populaire par la victoire de Lysandre. Le scholiaste d’Aristophane avance même que, sur la motion de Cinésias, un décret supprima les chœurs comiques ; mais il ne faut entendre cette suppression que de la parabase. Platonius avance, il est vrai, qu’à la représentation de l’Æolosicon d’Aristophane et à celle des Ulysses de Cratinus il n’y eut pas de chœur ; mais les fragmens qui subsistent de ces deux pièces prouvent que Platonius s’est mépris ou que son texte est fautif. Nous retrouvons la choragie comique en usage pendant toute la durée de la comédie moyenne, c’est-à-dire, jusqu’à l’établissement de la domination macédonienne. Lysias nous a conservé, dans un passage que je citerai plus bas textuellement, l’état de ce que coûtait de son temps un chœur comique. Il est aussi plusieurs fois question des chœurs de la comédie dans Eschine et dans quelques autres écrivains de la même époque.
Ce n’est que depuis la bataille de Chéronée et dans la comédie nouvelle que les chœurs comiques furent supprimés. Encore, selon moi, cette suppres-