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qu’elles avaient pris naissance et s’étaient conservées dans les campagnes, et aussi parce que le Lénæon où on les célébrait était resté long-temps situé en dehors de la ville[1]. Ces fêtes avaient lieu entre le 8 et le 18 du mois posidéon. Les étrangers en étaient exclus.

2o Les Dionysies de la ville ou du printemps, nommées aussi Anthestéries, du moins anthestérion. Les alliés qui apportaient alors leurs tributs à Athènes, assistaient à ces fêtes[2], qui duraient trois jours.

3o Outre ces deux Dionysies annuelles qui répondaient, l’une à l’époque des vendanges, l’autre à celle du soutirage ou du vin nouveau[3], il y avait encore à Athènes de plus grandes Dionysies qui revenaient tous les trois ans[4] au mois élaphébolion[5].

Chacune de ces fêtes donnait lieu à des cérémonies mystiques, à des représentations théâtrales et à des théories ou processions populaires en l’honneur de Bacchus. Dans ces processions, le costume des acteurs était à peu près le même que celui des bacchans dans les anciens chœurs dithyrambiques et phalliques, seulement il suivit le progrès du luxe, comme le remarque Plutarque. Les hommes habillés en Silènes, en Pans, en Satyres, en Tityres, ouvraient la marche ; les uns couverts de peaux de cerfs, les autres vêtus de robes de femmes ; quelques-uns, montés sur des ânes, agitaient des thyrses, portaient des phallus, chantaient des hymnes en l’honneur du Dieu, traînaient des boues pour les immoler, et dansaient au bruit des tambourins et des cymbabes. Derrière cette troupe s’avançaient, dans un ordre plus régulier, divers chœurs d’hommes fournis par les tribus, et même des chœurs de jeunes canéphores. Ces vierges, choisies dans les premières familles d’Athènes, marchaient les yeux baissés[6], portant, comme aux Éleusinies, des cistes qui renfermaient les prémices des fruits, les gâteaux sacrés et les symboles mystiques. Les terrasses des maisons étaient couvertes de spectateurs des deux sexes et garnies de flambeaux pour éclairer la pompe qui défilait pendant la nuit[7].

Démosthène nous a conservé le texte de la loi d’Évégore, qui défendait, dans ces jours solennels, toute réclamation de dettes, toute exécution de sentence, tout emprisonnement[8]. Nous verrons s’établir, au moyen-âge,

  1. C’est faute d’avoir fait cette observation, que Fréret a distingué à tort les Dionysies des champs des Lénéennes. Voyez Mém. sur le culte de Bacchus, Acad. des Inscript., tom. XIII, pag. 242 et suiv.
  2. Demosth., in Mid., pag. 637. C. — Schol. in Aristoph., Acharn., v. 505.
  3. Le premier jour des Anthestéries s’appelait Pithégie, ou fête de l’ouverture des tonneaux. Voyez Plutarch., Sympos., lib. iii, quæst. 7, pag. 655, E.
  4. Argum. in Demosth., Orat. contr. Mid.
  5. Hesych., voc. Διονύσια. — Hesychius reconnaît trois Dionysies à Athènes ; Meursius les réduit à deux ; Ruhnkenius (Auctuar. emendationum, ap. Hesych., tom.  II, sub fin.) a rétabli les trois Dionysies ; mais il a eu tort, selon moi, de les supposer toutes trois annuelles.
  6. Thucydide (lib. vi, § 56) et Élien (Var. hist., lib. xi, cap. XIII) racontent comment Hipparque refusa d’admettre la sœur d’Harmodius aux fonctions de canéphore, et comment Harmodius se vengea de cet affront.
  7. Aristoph., Acharn., v. 263. Nous apprenons des poètes comiques qu’il se glissa de graves abus dans ces fêtes nocturnes.
  8. Demosth., in Mid., pag. 604, E. seqq., et 631, C.