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permettra de penser que l’établissement d’une ligne de chemins de fer, par un gouvernement, doit porter sa pensée politique, et qu’il est justement d’une bonne politique de faire du sentiment avec les populations pauvres, c’est-à-dire de leur donner la vie et le mouvement qui font la prospérité des masses. Outre ce sentiment, plus administratif encore que philantropique, il est des lignes de communication où doit dominer une pensée tout-à-fait politique, comme dans la création du chemin de fer de Paris à Bruxelles. Ainsi, la Belgique, qui est à cette heure, pour nous, une véritable frontière gardée contre le Nord, sera couverte et à l’abri dès qu’une route en fer nous permettra de transporter rapidement un corps d’armée à Valenciennes et à Mons.

Le ministère ayant à cœur de doter le pays de ces grands travaux, a cherché à s’assurer toutes les possibilités. La dernière chambre ayant montré une répugnance marquée pour les compagnies, le ministère n’a pas vu d’inconvénient à charger l’état de ces travaux, quoiqu’il eût peut-être préféré les compagnies avec la clause des concessions directes. Il est en effet de notoriété commerciale que, dans de telles opérations, les adjudications par concurrence livrent les marchés aux entrepreneurs les plus téméraires, qui s’aventurent plus que les grands capitalistes, et finissent par éluder le contrat, ou qui exécutent mal les travaux. La commission nommée par la chambre semble aujourd’hui pencher pour les compagnies. La discussion portée sur ce principe n’en sera que plus instructive et plus utile ; mais nous ne pensons pas qu’on puisse élever des barrières à l’exécution des voies proposées, car si c’est prendre une grande et hardie responsabilité que de proposer de tels projets de loi, ce serait en assumer une bien plus grande encore que de les réduire au néant.

Un autre projet de loi a été présenté par le ministère au sujet de l’emprunt grec, pour l’exécution du traité du 7 mai 1832, dont un article engage la garantie non solidaire de la France, de l’Angleterre et de la Russie, dans un emprunt de 60 millions. L’emprunt souscrit par le gouvernement grec, sous cette triple garantie, a été divisé, comme on le sait, en trois parties ou séries de 20 millions. Les deux premières séries ont été réalisées, la troisième ne devait l’être que plus tard ; mais postérieurement à la formation du ministère du 22 février, le gouvernement grec, pressé par un déficit, s’adressa aux trois cours protectrices, et sollicita d’elles la disposition au moins partielle de la troisième série, leur déclarant que, s’il ne l’obtenait pas, il ne pourrait pas faire face au service courant des intérêts et à l’amortissement des deux premières séries. Après quelques conférences à Londres et à Paris, M. Thiers, alors ministre des affaires étrangères, émit, d’accord avec lord Palmerston, une partie des bons de la troisième série. Mais aujourd’hui le ministère ne se croit pas suffisamment autorisé à continuer et à prolonger un tel état de choses. Dès le mois d’août dernier, le cabinet français avait déjà fait connaître à la conférence de Londres qu’il était résolu à ne plus autoriser aucune émission de la troisième série, tant qu’on ne serait pas tombé d’accord sur les mesures à prendre pour régulariser la situation financière de la Grèce. Cette déclaration a été renouvelée le 6 de ce mois par M. Sébastiani, notre ambassadeur à Londres, et la conférence délibère encore sur cet objet. Mais en attendant, il était nécessaire de mettre la Grèce en mesure de servir le semestre courant qui échoit le 1er mars. Le ministère est donc venu de-