lui pardonne pas son exil. Tout en composant pour ceux qui l’ont tué son oraison funèbre, il rit de sa mort avec eux ; le sénat l’a fait dieu, il le fait citrouille ; en regard de l’apothéose il place l’apocoloquintose. Vous allez voir quel cas Rome faisait de la divinité de ses empereurs et même de toutes ses divinités.
« Je vais dire à la postérité ce qui s’est passé au ciel le troisième jour des ides d’octobre, Asinius Marcellus, Acilius Aviola étant consuls, la première année de Néron, au commencement de cet heureux siècle. Ma devise sera l’impartialité. Me demandera-t-on d’où je sais les vérités que je dis ? D’abord, s’il ne me plaît pas de répondre, je ne répondrai pas. Qui peut m’y forcer ? ne suis-je pas libre ? S’il me plaît de répondre, je dirai ce qui me viendra en tête ; qui jamais exigea un serment d’un historien ? S’il faut absolument citer un garant, interrogez ce sénateur qui vit Drusille monter au ciel ; il vous dira qu’il a vu passer Claude à pas inégaux, comme parle le poète. Bon gré mal gré, il faut qu’il voie tout ce qui se fait au ciel ; il est inspecteur de la voie Appia, et c’est par la voie Appia, vous le savez, que le divin Auguste et Tibère César ont passé pour aller chez les dieux. Prenez seulement garde : il répondra bien en confidence, mais ne parlera pas devant plusieurs personnes. Depuis qu’au sénat, ayant vu Drusille en route pour l’Olympe et donnant sous serment cette bonne nouvelle, personne ne le voulut croire, tout témoin oculaire qu’il était, il a juré qu’il ne jurerait rien, eût-il vu un homme tué en plein Forum. C’était donc au mois d’octobre, le troisième des ides, l’heure, je ne la sais pas : on ne s’accorde pas plus aisément entre horloges qu’entre philosophes. Claude se mit à rendre l’ame, mais elle ne trouvait pas à sortir. Mercure, à qui son genre d’esprit avait toujours plu, appelle une des Parques. — Cruelle que tu es, pourquoi laisses-tu souffrir ce malheureux ? Voilà soixante-quatre ans que son ame l’étouffe. Permets aux astrologues d’avoir dit une fois la vérité, car, depuis le début de son règne, ils n’ont passé ni un an ni un mois sans l’enterrer. — Ma foi, dit Clotho, je ne voulais que lui donner quelques jours pour conférer le droit de cité au peu de gens qui ne l’ont pas encore. Il était résolu à voir habillés de la toge tous les Grecs, Gaulois, Espagnols et Bretons ; mais tu veux garder quelques étrangers pour en perpétuer l’espèce, qu’il soit fait ainsi que tu le demandes. — Elle ouvre une boîte ; il y avait trois fuseaux, celui de Claude, ceux d’Augurinus et de Baba, deux imbécilles qu’elle fait mourir avec lui pour qu’un si grand prince n’aille pas sans cortége. Claude meurt en regardant jouer les comédiens ; on souhaite bonne