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LES CÉSARS.

leurs oreilles. Au milieu de la folie de cette fête, Vectius Valens était monté sur un arbre élevé. — Que voyez-vous ? lui demanda-t-on. — Un grand orage du côté d’Ostie. — Hasard ou vérité, cette parole fut un présage. La rumeur publique ne disait rien encore, mais Messaline recevait des messages ; elle apprenait que Claude était instruit, qu’il arrivait, prêt à se venger. Elle se retire dans la villa de Lucullus, celle qu’elle avait achetée avec le sang de Valerius Asiaticus. Silius, pour dissimuler ses craintes, va au Forum s’occuper des affaires publiques. Le reste se sépare : mais les centurions arrivent, saisissent tous ceux qu’ils rencontrent. Messaline, au milieu de son trouble, ne manque pas de cœur ; elle sait combien de fois il lui a été utile de voir, d’entretenir son mari, elle se rendra au-devant de lui. Britannicus et Octavie iront embrasser leur père ; Vibidia, la plus ancienne des vestales, s’est décidée à aller demander pour elle la clémence du grand pontife. Quant à elle-même, suivie de trois personnes seulement (telle était la solitude qui s’était faite soudain autour d’elle), elle traverse la ville à pied, et, dans un tombereau où l’on emporte les immondices des jardins, prend la route d’Ostie, ne rencontrant de pitié nulle part ; l’infamie de ses crimes étouffait toute compassion.

« César pourtant tremblait toujours ; il n’avait pas confiance en Geta, le préfet du prétoire, homme léger dans le bien, léger dans le mal ; Narcisse et ceux qui s’étaient risqués avec lui ne voient qu’un moyen de sauver la personne de Claude : « que pour un jour seulement il donne à un de ses affranchis le droit de commandement sur les troupes. » Narcisse s’offre à l’exercer. Narcisse monte en voiture avec lui, de peur qu’en chemin Vitellius et Cæcina, qui l’accompagnent, ne le fassent changer d’avis. Le voyage se passe en lamentations de César, en paroles équivoques et cauteleuses de Vitellius et de Cæcina, en instances de Narcisse, qui cherche en vain à les faire expliquer. Déjà on apercevait Messaline ; elle criait à Claude d’écouter au moins la mère de Britannicus et d’Octavie : Narcisse étouffe sa voix en parlant de Silius, de son mariage, et pour détourner la vue de César, lui met sous les yeux le tableau des désordres de Messaline. À l’entrée de Rome, les enfans se présentent : Narcisse les fait écarter. Vibidia vient elle-même, à sa honte, demander que le prince ne condamne pas sa femme sans l’entendre : « Le prince l’entendra, répond Narcisse ; la défense sera libre devant lui. Allez reprendre vos sacrifices. » Claude, au milieu de tout cela, gardait un étrange silence. Vitellius semblait ne rien entendre. Tout obéissait à l’affranchi.

« Il ordonne ; il fait ouvrir la maison de l’adultère ; il y fait con-