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EXPÉDITION DE CONSTANTINE.

tirailler avec tout l’avantage que leur donnait leur position, lorsqu’ils furent eux-mêmes tournés et surpris par un peloton du 1er chasseurs d’Afrique, dont on leur avait caché le mouvement, à la faveur d’un pli de terrain. Il y eut un engagement très vif. Les Arabes, qui se trouvèrent pris dans la mêlée et forcés au combat corps à corps, se défendirent et moururent avec une rage hideuse, comme des bêtes fauves qui ne peuvent fuir.

Cependant on approchait de Constantine, et le 5, de bonne heure, on put l’apercevoir comme une masse blanchâtre à l’horizon. Un peu au-delà du camp, la route commence à s’éloigner de la vallée et à monter doucement à travers des collines plus arrondies et plus tranquilles d’aspect que celles qu’on avait vues pendant toute la journée précédente. Sur le point culminant de ce grand mouvement de terrain se dressent les restes d’un monument romain, que les habitans du pays désignent par le mot de Soumma. C’était un petit édifice haut et élancé, construit avec cette magnificence de matériaux qui force le voyageur à s’incliner devant le moindre débris d’architecture romaine et à se rappeler le grandia ossa de Virgile. Ici, sur une pyramide tronquée, composée d’énormes gradins, s’élevait un quadruple portique, en forme de prisme rectangulaire, avec ses quatre faces pareilles et semblables chacune à un petit arc-de-triomphe étroit, dont le couronnement était porté par deux ou quatre colonnes, placées de chaque côté de l’ouverture. Il ne reste plus, en bon état de conservation, que le perron pyramidal, les quatre massifs angulaires, et les huit bases sur lesquelles devaient poser les colonnes, et qui sont ornées chacune d’un cercle plein en saillie. Les colonnes, qui étaient cannelées, la corniche et tout le complément de la construction, n’existent plus qu’en fragmens épars sur le sol ou enfouis dans les terrains environnans, et dont une partie, sans doute, aura été enlevée pour servir à des usages vulgaires. De là on découvrit, à plusieurs lieues en avant, et sur le flanc gauche de nos troupes, un camp arabe, de médiocre importance, dans lequel on distingua, avec une lunette, un pavillon, que les indigènes auxiliaires reconnurent pour celui du bey Achmet. Quelques nuages de cavaliers arabes commençaient à poindre et à grossir à l’horizon. Ils convergeaient généralement vers le camp du bey, entraînant et englobant tous les groupes qui se rencontraient sur leur passage. Plusieurs bandes, lorsqu’elles arrivaient à la hauteur de Soumma, se détachaient de la direction commune et se partageaient sur divers contreforts rayonnant vers la route que suivait notre armée. La première division fit une longue halte au pied du monument romain, pour donner à la seconde le temps de la rallier, afin qu’on pût se présenter devant Constantine avec des forces entières et compactes. Cependant les partis isolés, qui affluaient de différens côtés, avaient fini par se fondre en une ligne assez suivie de tirailleurs, couronnant la crête des collines sur le flanc gauche de la dernière colonne. Lorsqu’il n’y eut plus une grande distance entre nos deux corps de troupes, le premier se remit en marche ; on se rapprocha du Bou-Mesroug et l’on campa sur sa rive droite, dans un espace demi-circulaire que la rivière embrasse dans un de ses circuits. À l’extrémité du bivouac, de l’autre