Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/532

Cette page a été validée par deux contributeurs.
528
REVUE DES DEUX MONDES.

Le roi des Français, le roi constitutionnel, n’a, Dieu merci, pas de priviléges à donner avec les titres de noblesse dont il a le droit de disposer. Ce droit consiste à élever les hommes distingués assez haut pour que ceux qui ne voient d’autre mérite que la noblesse, ne puissent même pas leur contester ce mérite-là. C’est une décoration de plus dont le roi peut honorer ceux que l’estime publique désigne à son choix. La croix de la Légion-d’Honneur blesse-t-elle l’égalité ? N’est-elle pas la croix de tout le monde ? nous entendons de tout le monde qui doit être distingué.

Un dernier mot, encore, au sujet des titres accordés aux deux diplomates qu’on a cités. Une récompense de cette nature, accordée à un ambassadeur et à un chargé d’affaires, est une récompense d’autant mieux placée, qu’elle leur donne plus d’influence encore dans les cours où ils sont envoyés ; car il faut se servir en tout pays de la monnaie courante. Faire servir les distinctions au profit de l’état, n’est-ce pas le plus utile et le plus honorable emploi de la prérogative royale, et les hommes de bonne foi verront-ils encore là quelque chose qui choque l’égalité ?

Enfin, pour en finir avec cette question, n’a-t-on pas dit s’apercevoir, dans la discussion de l’affaire Damrémont, que le gouvernement n’a qu’un seul moyen de récompenser les familles de ceux qui l’ont servi : l’argent ? Triste moyen quand on se croit obligé de le distribuer à de si petites doses que l’a fait, en cette circonstance, la chambre des députés !

La nomination du président de la commission du budget a tellement préoccupé tout le monde pendant quelques jours, qu’on en a oublié le budget. Sera-ce M. Duchâtel ? sera-ce M. Passy ? C’étaient là les questions que se faisaient les journaux et qui se répétaient dans le monde et à la chambre. On a longuement parlé des négociations qui ont eu lieu entre le ministère et les doctrinaires à ce sujet ; on a fait nombre de suppositions qu’on a présentées comme des certitudes, mais le fait est que la nomination de M. Duchâtel ou celle de M. Passy devait fort peu inquiéter et peu séduire le ministère. M. Duchâtel siége au centre droit, et M. Passy est placé au centre gauche, deux nuances de la chambre auxquelles le ministère doit plutôt demander de la justice et de l’impartialité que du dévouement et de l’affection. M. Passy et M. Duchâtel étant deux hommes droits et justes, on pouvait attendre d’eux tout ce que désire le ministère, et ce qu’il doit trouver dans celui que le scrutin a désigné comme président de la commission du budget ; tous deux ayant été ministres, et connaissant les embarras des affaires, ainsi que les nécessités d’un gouvernement, le ministère n’avait à craindre ni dénégations de ses besoins, ni refus passionnés, ni réductions exagérées. Il n’y a donc pas eu pour lui de défaite dans la nomination de M. Passy, et il ne pouvait s’en trouver une dans la nomination de M. Duchâtel. On a beaucoup parlé d’une prétendue alliance du ministère avec les doctrinaires ; si elle était réelle, il y aurait un avantage pour le ministère dans la nomination de M. Passy, puisque le ministère se trouverait sûr du centre droit, et verrait en même temps le centre gauche voter pour lui, du moment où il se serait