Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/522

Cette page a été validée par deux contributeurs.
518
REVUE DES DEUX MONDES.

deux vers rimés, rarement plus. Pierre Lolle les traduisit dans un latin grossier et souvent fort peu intelligible, et les disposa par ordre alphabétique. Ce livre obtint dès son apparition une grande popularité ; il fut admis dans toutes les écoles et devint l’objet d’un cours régulier[1]. Chrétien Pedersen, qui vivait au XVIe siècle, se plaint beaucoup d’avoir dû employer les plus belles heures de sa jeunesse à étudier ce mauvais latin.

L’auteur de la Chronique rimée (Den danske Riimkrœnike) était un moine de Sorœ, qui vivait à la fin du XVe siècle. Il voulait faire une histoire de Danemark plus populaire que celles qui existaient de son temps. Il s’empara d’abord de celle de Saxo Grammaticus, et la suivit sans hésiter depuis le commencement jusqu’à la fin. Quand celle-ci lui manqua, il emprunta ses récits aux annales latines : mais au lieu de traduire l’œuvre de ses devanciers ou de raconter comme eux les évènemens, il voulut donner à son livre une forme plus dramatique : il amena tour à tour chaque roi comme un acteur sur la scène, et lui fit raconter sa vie, ses projets, ses exploits Il y a dans cette sorte de monologue un certain mouvement qui plaît au premier abord, mais qui devient ensuite monotone. Du reste ce livre n’a aucune valeur historique et aucune valeur poétique ; il ne mérite d’être étudié que sous le rapport de la langue, comme une œuvre d’essai, comme un point de comparaison pour les œuvres à venir[2].

Un prêtre d’Odensée, nommé Mikkel, obtint quelque célébrité par ses compositions religieuses. Il a composé plusieurs poèmes, dont l’un assez long sur le rosaire[3]. Il a chanté le rosaire avec toute l’ardente croyance d’un vrai catholique ; il a vanté les bienfaits de la dîme avec une rare naïveté, et il a loué la Vierge avec un sentiment de vénération et d’amour qui rappelle parfois les adorations mystiques des minnesinger. Dans ce poème, la Vierge parle à un religieux, et elle lui dit : « Si par tes péchés tu t’étais fermé le ciel, si Dieu avait juré de ne pas t’y admettre, je peux encore te sauver, mais il faut me servir fidèlement. Je peux me placer entre lui et les coupables avant qu’il les condamne. Je peux le prier de créer pour eux un nouveau ciel. »

Un peu après elle ajoute : « Si quelqu’un a commis une si grande faute qu’il soit banni de la face de Dieu, il doit lire avec dévotion mes psaumes ; je viendrai à son secours, et je lui rendrai l’amitié de Dieu. »

Le passage sur les dîmes n’est pas moins remarquable. « Acquitte fidèlement la dîme que tu dois au prêtre et à l’église. Si tu manques à ce devoir,

  1. Ces proverbes ont été publiés pour la première fois en 1506. Nycrup en a donné une nouvelle édition, avec commentaires, en 1828.
  2. La première édition de cette chronique date de 1495. M. Molbech l’a publiée, en 1825, avec une introduction et un glossaire.
  3. Le titre de ce poème est écrit en latin et en danois : Expositio pulcherrima super rosario beatæ Mariæ Virginis. — Her begynder en meghet nytthelig bog om Jomfru Marie Rosenkranz, imprimée en 1515.