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LA LITTÉRATURE EN DANEMARK.

un haut degré. Ce sont les mêmes terminaisons de mots, les mêmes formes de style ; c’est presque de l’islandais pur, quant à l’essence même de la langue, mais l’orthographe a subi un grand changement. Ainsi la langue moderne du Danemark marchait pas à pas, appuyée sur des règles traditionnelles ; et quand elle voulut s’en écarter, elle se soumit à l’influence de l’Allemagne, car elle n’était pas encore assez forte pour marcher d’elle-même. Elle emprunta à l’allemand, et surtout au plat allemand, de nouvelles formes, de nouveaux mots, et c’est là ce qui la distingue particulièrement aujourd’hui de l’islandais.

Quatre siècles se passèrent avant qu’elle prît un caractère assez déterminé pour devenir une langue littéraire. Le peuple, toujours occupé de guerres et de courses aventureuses, ne faisait rien pour la développer. Les anciens rois n’avaient à leur cour que des scaldes et des voyageurs qui leur chantaient des vers islandais ou leur récitaient des sagas. Les prêtres, les religieux n’entendaient que le latin, ne s’occupaient que de latin. Plus tard les rois oublièrent l’islandais et adoptèrent l’allemand. Dès le XIVe siècle, l’influence de l’Allemagne alla toujours en augmentant. Éric de Poméranie, qui succéda à Marguerite, et Christophe de Bavière, étaient Allemands. Chrétien Ier, chef de la dynastie actuelle d’Oldembourg, était aussi Allemand. Les premiers professeurs de l’université de Copenhague, les premiers imprimeurs, étaient Allemands. La langue allemande se répandit dans toutes les classes de la société, et les savans conservèrent l’usage du latin. Saxo le grammairien composa l’histoire de Danemark en latin, et comme les hautes fonctions de l’état furent souvent confiées à des ecclésiastiques, au XIIIe siècle les lois étaient encore rédigées en latin.

Les premières lettres royales, écrites dans la langue du pays, datent du XIVe siècle. On commença seulement au XVe à employer dans les couvens des calendriers et des livres de prières danois.

C’est de cette époque que datent deux des plus anciens monumens de la poésie danoise : les Proverbes de Pierre Lolle et la Chronique rimée de Niel. L’histoire littéraire de ce temps-là a été tellement négligée, qu’on ignore même qui était Pierre Lolle. Deux savans danois ont tâché d’indiquer où il avait été enterré, faute de pouvoir indiquer où il avait vécu. Tout ce qu’on sait, c’est qu’il vivait au XVe siècle. Il recueillit autour de lui, dans les lois[1], dans les traditions du peuple, ces sentences morales, ces maximes de la vie pratique, ces leçons proverbiales, que l’Arabe enseigne à ses fils, que le dieu Odin chanta dans le Havamal, et qui vivent encore aux deux extrémités du monde, sous les toits de feuillage de l’Orient, sous le dôme sombre des forêts du Nord.

Il y a dans ces proverbes un grand mérite de naïveté et de concision. C’est quelquefois un seul vers qui renferme toute une idée de morale, quelquefois

  1. Le premier et le second de ces proverbes sont pris textuellement dans la loi de Jutlande.