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était présent au combat ; dix-huit vaisseaux, huit brûlots, une flûte et deux pataches d’avis au compte de M. Eugène Sue, qui ne paraît pas avoir remarqué cette discordance avec Valbelle, et qui, par suite, ne songe pas à citer ses autorités. Pendant plus de vingt-quatre heures, les deux flottes se suivirent et s’observèrent. Enfin, la bataille s’engagea le 8 à neuf heures du matin, et ne finit qu’à minuit. Le résultat en fut tout à notre avantage, car la flotte française exécuta de point en point tout ce que les efforts de l’ennemi avaient pour objet d’empêcher, c’est-à-dire qu’elle opéra sa jonction avec d’Almeiras, le même dont nous avons parlé tout à l’heure, et qui périt plus tard dans le combat qui coûta la vie à Ruyter, et qu’elle fit entrer intacts dans Messine tous les secours qu’elle était chargée de lui porter.

Le 22 avril 1676, fut livrée la bataille d’Agosta, bataille doublement fatale à la Hollande, puisqu’elle y perdit Ruyter, sans aucune compensation qui pût atténuer pour elle une pareille perte, car l’issue en fut encore favorable aux Français. Le combat, commencé dans l’après-midi, ne dura pas six heures. Les Français et les Hollandais y firent assaut de résolution et d’intrépidité, « et s’attaquèrent avec tant de furie, dit une biographie de Ruyter, qu’il semblait que, par une si prompte expédition, on voulait gagner le temps qui allait bientôt manquer par la prochaine fin du jour. » Les Espagnols, alliés des Hollandais, s’y montrèrent aussi mous et lâches qu’ils avaient été fanfarons. Cependant leurs galères s’y conduisirent bien, et sauvèrent d’une ruine complète les débris de la flotte hollandaise, horriblement maltraitée. Mais la perte la plus irréparable fut celle de Ruyter, cet homme également hors de ligne et par le caractère et par le génie ; simple comme l’antique, grand comme l’épopée. La flotte hollandaise, remise en état, s’en ressentit cruellement, peu de jours après, devant Palerme. Le 2 juin, sur un plan d’attaque proposé par Tourville et accepté par Vivonne, l’armée française, forte de vingt-huit vaisseaux, de neuf brûlots et vingt-cinq galères, combattit sous le canon de Palerme les flottes alliées, composées de vingt-sept vaisseaux quatre brûlots, dix-neuf galères, et en anéantit complètement près de la moitié. Le contre-amiral de Haan, qui avait succédé à Ruyter, y fut tué, ainsi que don Diégo de Ibarra, général de l’armée d’Espagne, et trois mille hommes sous leurs ordres.

Ainsi, dans trois grandes batailles consécutives, celles d’Alicur, d’Agosta et de Palerme, la marine française, qui ne faisait encore que de naître, avait humilié et presque écrasé la plus redoutable puissance maritime de ce temps, fortifiée de l’alliance de l’Espagne, et commandée par le plus grand homme de mer qui peut-être ait jamais été. Cela fut l’ouvrage de cinq mois. Les quelques succès que l’on put obtenir encore en Sicile ne comptent plus auprès de ceux-là, et l’on peut dire que c’est par là que se termine la guerre dans ces parages. L’occupation de Messine était fort onéreuse et fort traversée par Louvois ; la retraite fut résolue, et, après avoir joué indignement les Messinois pour colorer le départ des Français d’un prétexte plausible et