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LA DERNIÈRE ALDINI.

tience. Il me sembla voir dans ce début et dans toute la contenance d’Hector qu’il ne savait comment se tirer de la position où il s’était jeté à l’étourdie. Il fallait se montrer héroïque à force d’amour et de folle jalousie, ou absurde à force de lâche insolence. Ce qui mettait le comble à son embarras, c’est qu’il avait recruté en chemin deux jeunes gens de ses amis qui se rendaient à la chasse et avaient voulu l’accompagner dans son expédition, moins sans doute pour l’assister que pour se divertir à ses dépens.

Nous nous avançâmes jusqu’à lui, sans le saluer, et Nasi le regarda de près au milieu du visage, d’un air glacé, sans lui dire un mot. Il parut ne pas me voir ou ne pas me reconnaître. — Ah ! c’est vous, Nasi ! s’écria-t-il incertain s’il le saluerait ou s’il lui tendrait la main, car il voyait bien que Nasi n’était disposé à lui rendre aucune espèce de révérence. — Vous n’avez pas sujet de vous étonner, je pense, de me trouver chez-moi, répondit Nasi. — Pardonnez-moi, pardonnez-moi, reprit Hector en feignant d’être accroché par son éperon à un magnifique rosier qui se trouvait là, et qu’il écrasait de tout son poids. Je ne m’attendais pas du tout à vous trouver ici ; je vous croyais à Naples. — Que vous l’ayez cru ou non, peu importe. Vous voici, et me voici. De quoi s’agit-il ? — Pardieu, mon cher, il s’agit de m’aider à retrouver ma cousine Alezia Aldini, qui se permet de courir seule à cheval sans la permission de ma mère, et qui, m’a-t-on dit, est par ici ?

— Qu’entendez-vous par ce mot : par ici ? Si vous pensez que la personne dont vous parlez soit dans les environs, suivez la rue, cherchez. — Mais que diable, mon cher, elle est ici, dit Hector forcé par le ton de Nasi et par la présence de ses témoins de se prononcer un peu plus nettement. Elle est dans votre maison ou dans votre jardin, car on l’a vue entrer dans votre avenue, et, sang de Dieu ! voilà son cheval là-bas ! c’est-à-dire mon cheval, car il lui a plu de le prendre pour courir les champs, et de me laisser sa haquenée. — Et il essayait par un gros rire forcé d’égayer un entretien que Nasi ne semblait pas disposé à traiter aussi légèrement.

— Monsieur, répondit-il, je n’ai pas l’honneur de vous connaître assez pour que vous m’appeliez mon cher ; je vous prie donc de me traiter comme je vous traite. Ensuite, je vous ferai observer que ma maison n’est point une auberge, ni mon jardin une promenade publique, pour que les passans se permettent de l’explorer. — Ma foi, monsieur, si vous n’êtes pas content, dit Hector, j’en suis bien fâché. Je croyais vous connaître assez pour me permettre d’entrer chez