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LA DERNIÈRE ALDINI.

recherches avec prudence et imposer silence aux déclamations extravagantes d’Hector. Il faisait si grand bruit, que tout le pays serait informé dans la journée de sa position ridicule et de la démarche hasardée de la signora, si elle n’y mettait ordre elle-même en allant à sa rencontre, en lui fermant la bouche, et en retournant avec lui à la villa Grimani. Je fus de l’avis de Lila. Alezia pliait son cousin à toutes ses volontés ; rien n’était encore désespéré, si elle voulait sauter sur son cheval et retourner chez sa tante ; elle pouvait prendre un autre chemin que celui par lequel venait Hector, tandis qu’on enverrait au-devant de lui des gens pour le dépister et l’empêcher d’arriver jusqu’à Cafaggiolo. Tout fut inutile, Alezia resta inébranlable. — Qu’il vienne, disait-elle, laissez-le entrer dans la maison, et nous le jetterons par la fenêtre s’il ose pénétrer jusqu’ici. La Checchina riait comme une folle de cette idée, et sur la description railleuse qu’Alezia faisait de son cousin, elle promettait, à elle seule, d’en débarrasser la compagnie. Toutes ces bravades et cette gaieté insensée, dans un moment décisif, me causaient un chagrin extrême.

Tout à coup une chaise de poste parut au bout de la longue avenue de figuiers qui conduisait de la grande route à la villa Nasi. — C’est Nasi ! s’écria Checchina. — Si c’était Bianca ! pensai-je. — Oh ! s’écria Lila, voici madame votre tante elle-même qui vient vous chercher.

— Je résisterai à ma tante aussi bien qu’à mon cousin, répondit Alezia, car ils agissent indignement à mon égard. Ils veulent publier ma honte, m’abreuver de chagrins et d’humiliations, afin de me subjuguer. Lélio, cachez-moi, ou protégez-moi. — Ne craignez rien, lui dis-je ; si c’est ainsi qu’on veut agir envers vous, nul n’entrera ici. Je vais recevoir madame votre tante au seuil de la maison, et puisqu’il est trop tard pour vous en faire sortir, je jure que personne n’y pénétrera.

Je descendis précipitamment ; je trouvai Cattina qui écoutait aux portes. Je la menaçai de la tuer, si elle disait un mot ; puis, songeant qu’aucune crainte n’était assez forte pour l’empêcher de céder au pouvoir de l’argent, je me ravisai, et retournant sur mes pas, je la pris par le bras, la poussai dans une sorte d’office qui n’avait qu’une lucarne où elle ne pouvait atteindre ; je fermai la porte sur elle à double tour malgré sa colère, je mis la clé dans ma poche, et je courus au-devant de la chaise de poste.

Mais de toutes nos appréhensions, la plus embarrassante se réalisa. Nasi sortit de la voiture et se jeta à mon cou. Comment l’empêcher d’entrer chez lui, comment lui cacher ce qui se passait ? Il était fa-