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resques ; or, les tournois ont certainement une origine germanique. On a abandonné l’opinion qui les faisait inventer tout juste en 1066 par un nommé Geoffroy de Preuilly. Ce Geoffroy les a régularisés, peut-être, mais il ne les a point inventés ; on trouve avant lui beaucoup de traces de ces divertissemens guerriers.

On pourrait citer, d’abord, le paradis scandinave, qui était un tournoi perpétuel. Après le festin, les guerriers se combattaient dans le Valhalla ; c’était une joûte à armes tranchantes, car ils se taillaient en pièces. Ces champions immortels avaient le plaisir de se tuer chaque jour, et chaque jour de recommencer. Mais des preuves plus positives que celles-là établissent l’existence de jeux guerriers, semblables aux tournois, chez les peuples germaniques. Déjà, au vie siècle, Ennodius en parle dans l’éloge de Théodoric ; au ixe, Nithart raconte les fêtes militaires qui furent célébrées, en 842, par Louis-le-Germanique et Charles-le-Chauve, après la bataille de Fontanet. Mais ce n’était là qu’un prélude, pour ainsi dire, aux vrais tournois ; le tournoi ne fut complet et n’eut son caractère que quand les combats simulés, dont il est question aux époques antérieures, eurent lieu en présence des dames et en leur honneur. Or, je ne sache pas de plus anciens témoignages attestant leur présence, qu’un passage de la chronique de Montmouth, écrite dans la première moitié du xiie siècle : « Bientôt les chevaliers, donnant le signal du combat, forment un jeu équestre ; les dames les regardant du haut des murs, se plaisent à exciter leur amour. » C’est la première apparition d’une joûte véritable. Ici la galanterie est en jeu et fait, de ce qui n’était auparavant qu’un divertissement guerrier, un divertissement chevaleresque.

On trouve même dans les usages chevaleresques certains vestiges des anciennes coutumes et de l’antique religion des peuples germaniques. C’est ainsi que les brillantes assemblées, qu’on appelait cours plénières, et qui étaient toujours une occasion de tournois, étaient placées d’ordinaire aux fêtes de la Pentecôte. Dans tous les romans de chevalerie, notamment dans ceux qui parlent du roi Arthur, c’est à la Pentecôte qu’ont lieu les cours plénières et les grands tournois qui les accompagnent. Dans l’épopée du Renard, parodie piquante du moyen-âge, c’est à la Pentecôte que le roi des animaux tient sa cour plénière et célèbre des fêtes auxquelles tous ses sujets sont convoqués. La Pentecôte était choisie en vertu d’une vieille habitude qu’avaient les peuples germaniques de célébrer le solstice d’été, habitude qui tenait elle-même à la religion solaire de ces peuples. Dans