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DE LA CHEVALERIE.

traînait dans la poussière. Alors un héraut d’armes demandait qui était là devant lui ; trois fois on nommait le chevalier, et trois fois le héraut d’armes répondait : « Cela n’est point ; il n’y a pas ici de chevalier, il n’y a qu’un lâche et un foi-mentie. » Enfin l’on emportait le criminel sur une civière dans l’église, et l’on récitait pour lui les prières des morts ; car l’honneur était la vie du chevalier, et le jour où il en était dépouillé, il n’était plus qu’un cadavre.

Ainsi la chevalerie constituait un état réel, formait une classe et un corps constitué dans l’état. Il y avait des règles pour être admis dans ce corps comme il y en avait pour être admis dans d’autres associations du moyen-âge ; il en était de la chevalerie comme des diverses corporations dans lesquelles il fallait passer par un certain noviciat avant d’avoir le titre de maître ; on prenait ses grades pour être chevalier comme pour être docteur.

Quant au rapport de la chevalerie, comme institution, avec l’autre grande et universelle institution du moyen-âge, avec la féodalité, nous aurons quelques distinctions à faire et quelques confusions à éviter. La noblesse féodale a été souvent confondue avec la chevalerie. Il y a pour cela plusieurs raisons : d’abord cette confusion s’est faite, jusqu’à un certain point, dans les idées des hommes du moyen-âge eux-mêmes. Le mot miles, désignation ordinaire du chevalier, s’appliquait aussi au noble, au seigneur féodal ; d’autre part, le mot vassal, qui exprime la dépendance de l’homme lige vis-à-vis de son suzerain ; ce mot vassal se prenait pour brave, vaillant, et, par suite, s’appliquait au chevalier. Ainsi, nous voyons que Taille-Fer, l’ancien jongleur du xie siècle, chantait à la bataille d’Hastings :

... D’Olivier et des vassaux
Qui moururent à Roncevaux.

De plus, les auteurs qui ont écrit à une époque où la véritable chevalerie du moyen-âge avait complètement disparu, où il n’y avait plus qu’une chevalerie de cour, qui s’était identifiée avec la noblesse, ont souvent pris l’une pour l’autre. Enfin, ce qui a dû redoubler encore cette confusion, c’est que la chevalerie et la féodalité se faisaient des emprunts réciproques ; la féodalité s’efforçait de se mouler, pour ainsi dire, sur le type idéal de la chevalerie. La chevalerie, d’autre part, demandait à la féodalité ses formes, son langage, ses symboles. Il y avait dans la collation de l’ordre de chevalerie quelque chose d’analogue à l’investiture féodale. Cependant il est certain que les deux