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vie du chevalier, depuis le premier jour jusqu’au dernier, était soumise à une législation traditionnelle, qui en réglait et en gouvernait toutes les périodes. Dès l’enfance, on le préparait à sa condition future ; il commençait par des grades inférieurs ; il était d’abord page ou varlet, puis écuyer. En passant du premier grade au second, il était soumis à un cérémonial qui ressemblait assez à celui par lequel on s’élevait du rang d’écuyer au rang de chevalier. L’adolescent était conduit devant l’autel par ses parens, chacun d’eux tenant un cierge à la main, et là il recevait, comme plus tard le chevalier, le coup de plat d’épée, la colée ; c’était un premier degré dans l’initiation chevaleresque ; puis venait le second ; on était solennellement admis à faire partie du corps des chevaliers. Alors s’accomplissaient des cérémonies symboliques dont je reparlerai lorsque je traiterai des rapports de la chevalerie et de l’église. Dès ce moment on appartenait à un corps constitué ; on jouissait de certains priviléges, on avait le droit de porter un certain costume ; en un mot, on entrait dans ce qu’on appellerait aujourd’hui une catégorie sociale. La chevalerie, si elle était conférée avant l’âge marqué pour la majorité, donnait la vie civile. Quelquefois l’investiture chevaleresque précédait cet âge, quelquefois elle était reçue beaucoup plus tard, il y a des exemples de personnages qui ne furent créés chevaliers qu’à cinquante ans ; d’autres le furent dès le berceau. Ceux-ci étaient des princes et des personnages puissans, et cet abus se rapporte à l’époque de la décadence de la chevalerie.

Il est si vrai qu’on appartenait à une société particulière quand on avait rang dans la chevalerie, qu’on pouvait en être exclu, comme on pouvait être exclu de la cléricature et excommunié de l’église. Il y avait des formules terribles pour la dégradation du chevalier ; c’était une véritable excommunication chevaleresque. Le moyen-âge entourait de symboles expressifs tous les actes de la vie, toutes les dispositions de la loi et de la pénalité ; de même que lorsqu’il s’agissait de l’excommunication religieuse on employait, pour frapper l’imagination, ces moyens si connus, les flambeaux renversés, les reliques des saints traînées dans la poussière ou placées sur des épines, de même, pour dégrader les chevaliers qui s’étaient rendus indignes de ce titre, on avait recours à des symboles qui n’étaient pas moins terribles. On plaçait le chevalier déchu sur un échafaud, on brisait ses armes pièce à pièce, et l’on en jetait à ses pieds les débris ; on lui ôtait ses éperons, et ils étaient placés sur un tas de fumier ; on coupait la queue de son cheval ; on attachait son bouclier à la queue d’un autre cheval, qui le