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LA DERNIÈRE ALDINI.

qu’il rencontre. Chère signora Barbara, ayez donc la complaisance de relever votre voile, afin que je voie ce que j’ai à craindre, et, pour parler à la française, si je puis exposer Lélio au feu de vos batteries.

L’Anglaise fit un geste de dégoût, puis sembla hésiter, et, se levant enfin de toute sa hauteur, elle répondit, en commençant à détacher son voile : — Regardez-moi, madame, et rappelez-vous bien mes traits, afin d’en faire la description au seigneur Lélio ; et si en vous écoutant, il paraît ému, gardez-vous de l’envoyer vers moi, car s’il venait à vous être infidèle, je déclare que ce serait un malheur pour lui, et qu’il n’obtiendrait que mon mépris.

En parlant ainsi, elle avait découvert sa figure. Elle me tournait le dos, et j’essayais vainement de surprendre ses traits dans la glace. Mais avais-je besoin du témoignage de mes yeux, et celui de mes oreilles ne suffisait-il pas ? Elle avait oublié tout-à-fait son accent anglais et parlait le plus pur italien, avec cette voix sonore et vibrante qui m’avait si souvent ému jusqu’au fond de l’ame.

— Pardon, miss, dit la Checchina sans se déconcerter, vous êtes si belle, que toutes mes craintes se réveillent ; je ne puis croire que Lélio ne vous ait pas déjà vue, et qu’il ne soit pas d’accord avec vous pour me tromper.

— S’il vous demande mon nom, dit Alezia en arrachant avec violence une des grandes épingles d’acier bruni qui retenaient sur sa tête le pli de son voile, remettez-lui ceci de ma part, et dites-lui que mon blason porte une épingle avec cette devise : « Au cœur qui n’a pas de sang ! »

En ce moment, ne pouvant rester sous le coup d’un tel mépris, je sortis brusquement de ma cachette et m’élançai vers Alezia avec assurance. — Non, signora, lui dis-je, ne croyez pas aux plaisanteries de mon amie Francesca. Tout ceci est une comédie qu’il lui a plu de jouer, vous prenant pour ce que vous vouliez paraître, et ne sachant pas l’importance de ses mensonges ; c’est une comédie que j’ai laissé jouer, vous reconnaissant à peine, tant vous avez imité avec talent l’accent et les manières d’une Anglaise.

Alezia ne parut ni surprise, ni émue de mon apparition. Elle avait le calme et la dignité que les femmes de condition possèdent entre toutes les autres, lorsqu’elles sont dans leur droit. À voir son impassibilité, éclairée peu à peu d’un charmant sourire d’ironie, on eût pu croire que son ame n’avait jamais connu la passion, et qu’elle était incapable de la connaître.

— Vous trouvez que j’ai bien joué mon rôle, monsieur ? répliqua-