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presque française, sans que nos fougueux adversaires au parlement aient prononcé le nom de la France. Il en est ainsi partout ; le mot de faiblesse ne se prononce qu’en France. Ailleurs, ce qu’on caractérise ici par ce mot prend le nom de loyauté ! L’Europe ne prendra donc pas d’alarmes quand elle nous verra compléter notre effectif de paix ; et comme, après tout, elle sait, comme nous, que la loyauté, si elle est une force, n’est pas un rempart, il ne lui viendra pas la pensée que nous ayons des projets hostiles contre la paix, à laquelle nous avons tant contribué. Ces considérations, que nous touchons en passant, se présenteront naturellement avec plus de développement à la chambre, dans la discussion qui se prépare, et qui pourra se résumer ainsi : donner au gouvernement quelques mille hommes de plus pour lui assurer plus de moyens de maintenir la paix au milieu des complications nouvelles qui viennent de naître.

La discussion qui a eu lieu dans le parlement anglais, au sujet du bill du Bas-Canada, est un évènement dont on ne peut se dissimuler l’importance. Aux grands évènemens les petites causes ne manquent pas ; mais il faut se garder de les réduire à ces petites causes. Nous savons que le parti tory s’est trouvé divisé au sujet de ce bill, et que le duc de Wellington qui ne partageait pas la manière de voir de sir Robert Peel à ce sujet, voulait qu’on laissât le bill tel qu’il était, mettant ses suites sous la responsabilité de lord John Russell et de ses collègues. Placé entre les deux partis, et sollicité par tous deux de prendre une décision, le duc de Wellington se retira à la campagne et les laissa s’arranger entre eux. Ce fut pendant la retraite de son noble ami que sir Robert Peel engagea la lutte, d’où il est sorti, il faut le dire, avec de grands avantages, avantages qui diminueront à nos yeux en songeant à leur résultat. Ce résultat a été de permettre à sir Robert Peel de prendre le pouvoir, et de le forcer d’avouer, par son hésitation à s’en saisir, la faiblesse de son parti, qui ne se trouve ni assez uni ni assez fort pour former un ministère tory. Cette situation de sir Robert Peel et de ses amis n’a-t-elle pas quelque analogie avec celle d’un parti qui n’a pas eu d’aussi belles chances pour renverser le cabinet où il ne figure pas, mais qui semble avoir ajourné, avec une égale prudence, ses projets d’ambition ? — Au reste, nous ne pensons pas qu’il y aurait lieu de s’alarmer, même dans le cas du renversement du cabinet anglais. Il y a des nécessités qui commandent, et auxquelles les hommes d’état obéissent, en dépit de leurs penchans ; et nous nous souvenons d’avoir entendu de la bouche d’un homme qu’on nomme assez en disant que la France lui doit peut-être l’alliance anglaise, qu’après la révolution de juillet il avait trouvé mille fois plus de facilité à traiter pour la France avec le duc de Wellington qu’avec son successeur, lord Grey, et les whigs qui faisaient partie de ce ministère.

Quant au bill qui a changé la situation du ministère anglais, il est en lui-même, et par ses modifications successives, un exemple frappant du progrès de l’esprit public en Angleterre. À la nouvelle de la révolte du Bas-Canada, le premier mouvement de lord John Russell, du cabinet et de tous les bancs