Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
REVUE DES DEUX MONDES.

nôtres, le Journal des Débats, a prononcé le mot subsides, et l’a appuyé de raisons d’une justesse parfaite, alléguant qu’en fait de subsides, on peut s’arrêter où l’on veut, et rester seulement dans la mesure du sacrifice qu’on s’est imposé. Il n’y a pas là, ajoute cette feuille, de cylindre où passe toute le corps dès qu’on y a mis le doigt. La proposition nous semble à la fois honorable et judicieuse, et les raisons qu’on en donne de nature à être discutées avec avantage dans la chambre. Elle ne verrait pas dans cette proposition, comme elle l’a cru voir dans la discussion, une sorte de tendance à l’entraîner sur le terrain d’une guerre de principes, et à lui arracher un vote qui serait accueilli par les agitateurs de tous les pays comme le fameux décret de la Convention du 19 novembre 1791, qui promettait appui à tous les peuples révoltés ou prêts à se révolter contre leur gouvernement. De son côté, le gouvernement espagnol verrait assurément dans cette mesure une haute marque d’intérêt, et l’Europe saurait que si nous n’accordons que notre secours pécuniaire, c’est qu’il n’y a pas encore lieu d’accorder autre chose. Il y aurait un autre avantage dans ce mode de coopération : c’est que l’Angleterre pourrait y prendre part avec d’autant moins d’opposition qu’il se trouve conforme à tous ses antécédens.

Nous répéterons, au sujet de cette mesure mixte, qu’il ne faut pas alarmer l’Europe, mais qu’il ne faut pas non plus s’alarmer de ce qu’elle pourrait faire contre nous. L’Europe nous craint ; mais les peuples eux-mêmes ne sont pas tels que beaucoup de personnes les supposent en France. On ne sait pas assez de quelles mesquines concessions la plupart d’entr’eux se contenteraient. Ne mettons donc en ligne de compte dans nos calculs politiques ni l’aversion des gouvernemens, ni l’affection des peuples pour nous. Toutes ces choses sont beaucoup moindres qu’on ne pense. Ne comptons que sur nou-mêmes, et reposons-nous aussi un peu sur la sagesse que notre gouvernement a montrée depuis sept ans. Dans l’origine de l’établissement de juillet, on se berçait, en Europe, de l’espoir de notre chute prochaine. Le caractère de stabilité que prend le gouvernement de la France a réveillé de fâcheuses dispositions, et le défaut de bienveillance s’accroît en raison du sentiment qu’on a de notre durée et de notre force. C’est une seconde phase à passer, pour arriver à la troisième, qui sera peut-être tardive, mais qui viendra, nous n’en doutons pas. On rend hommage à notre force par les mauvais vouloirs même qu’on nous porte ; en n’abusant pas de son influence, la France atteindra bientôt à son ancienne et immense position qu’elle regagne chaque jour dans la société européenne. La discussion de la question d’Espagne est faite pour servir notre cause et nous avancer dans cette voie ; couronnée par une résolution généreuse et pacifique à la fois, comme un vote de subsides, elle aura l’approbation de tous les hommes éclairés.

Quant à l’alliance prétendue du ministère avec M. Guizot et ses amis, nous dirons, sans craindre d’être démentis, qu’elle n’existe pas, du moins de la part du cabinet. Nous avons dit plus haut les raisons qui avaient décidé M. Guizot et ses amis à appuyer, par circonstance, le ministère, dans la