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proposa d’abord une phrase insignifiante, écho inoffensif du même passage dans le discours de la couronne. Mais aussitôt on se récria dans le sein de la commission même ; l’expression des sympathies de la France pour la cause de la reine Isabelle « était trop faible, dit-on, dans le projet du rédacteur ; il fallait quelque chose de plus ; il fallait, sans rien compromettre, sans rien imposer, combiner une rédaction qui présentât plus d’espoir aux amis de l’Espagne, et qui fût d’un plus grand appui moral pour la cause constitutionnelle. — Et vous ne pouvez pas vous y opposer, disait-on avec raison à M. Saint-Marc Girardin ; vos opinions sont connues, et si vous ne parliez qu’en votre nom, vous iriez certainement beaucoup plus loin, vous demanderiez beaucoup plus ; vous ne seriez satisfait de rien moins que l’intervention, et peut-être même de l’intervention immédiate ; à travers toutes les vicissitudes de la question espagnole, vous êtes resté fidèle à la cause de la reine Isabelle II qui n’a pas cessé d’être, à vos yeux, la cause même de la France, de la révolution de juillet et de la nouvelle dynastie ! » M. Saint-Marc Girardin, avec la loyauté qui le caractérise, reconnut que c’était vrai, qu’il pensait aujourd’hui comme il pensait il y a deux ans, et comme il l’écrivait alors avec tant d’énergie, de conviction et de talent : aussi laissa-t-il substituer une autre rédaction à la sienne. Nous ne savons pas précisément qui s’en chargea ; on assure que ce fut l’honorable président de la chambre. Voilà comment le ministère se trouva embarrassé par la commission où ses amis étaient en majorité, et par un projet d’adresse dont il avait, en quelque sorte, fait nommer le rédacteur.

Au reste, dans cette affaire, tout a roulé sur des interprétations et des subtilités de mots que le sens qu’on est convenu d’y attacher a relevées et agrandies. De ce que la rédaction primitive de la commission recommandait au gouvernement d’exécuter fidèlement le traité de la quadruple alliance, on en a conclu que la commission n’était pas bien sûre que ce traité eût été jusqu’alors fidèlement exécuté. La commission protestait au contraire, et par la bouche de M. Saint-Marc Girardin, et par celle de M. Dufaure, qu’elle n’avait pas entendu s’occuper du passé, qu’elle ne le condamnait ni ne le flattait, et qu’elle laissait au gouvernement toute liberté sur les moyens d’atteindre le but qu’elle lui indiquait bien nettement. Une autre difficulté d’interprétation, une autre subtilité de mots s’est développée parallèlement sur l’amendement de M. Hébert. — Vous engagez le gouvernement à continuer, disaient les adversaires de cet amendement, à continuer l’exécution donnée au traité de la quadruple alliance ; c’est lui conseiller de ne pas l’exécuter autrement. — Non, répondaient M. Hébert et le ministère, l’amendement approuve le passé, il est vrai, et nous avons besoin de cette approbation du passé ; mais il respecte l’indication d’un but auquel nous reconnaissons qu’il faut tendre, et dont l’accomplissement pourrait en effet exiger d’autres mesures, des résolutions différentes.

Tel était le débat ; mais ces difficultés, presque grammaticales, étaient tout un monde. Le ministère, l’opposition, les circonstances, l’avaient ainsi