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REVUE. — CHRONIQUE.
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montré plus loyal à ne laisser aucun doute dans la question ? Qui s’est plus généreusement exposé ? qui s’est plus entièrement sacrifié à ses convictions, dans un débat où tout le monde apportait les siennes ? Jamais homme n’a répondu par un acte de conscience plus net et plus ferme à ceux qui l’avaient un jour méconnu. Nous le disons sans embarras.

Voilà donc, en deux mots, de quelle manière cette discussion s’est engagée, et cette discussion a appris à la France beaucoup plus de choses qu’on n’en a dites. À savoir, d’abord, que le ministère est loin d’avoir méconnu la nécessité qui appelle la France à exercer une action constante sur la révolution espagnole, comme à empêcher le malheur immense de la contre-révolution en Espagne ; et secondement, qu’au centre gauche ne siégent pas des partisans effrénés d’une expédition militaire, des esprits avides de mouvement, qui s’embarqueraient autrement qu’au dernier jour, et à la dernière heure, dans les périls et les conséquences d’une intervention. Et pour tout résumer sous deux noms, M. Molé a montré, en cette occasion, une résolution et un parti pris qui ne permettent plus de le taxer d’incertitude, tandis que M. Thiers a fait assez de concessions aux temps et aux circonstances pour éviter le reproche d’opiniâtreté que lui adressaient quelques-uns de ses adversaires.

Les détails de cette mémorable discussion sont déjà de l’histoire. Il n’en est pas un qui ne soit un acte décisif dans la vie politique de celui qu’il intéresse. M. Saint-Marc Girardin avait été nommé rédacteur de l’adresse, avec l’assentiment du ministère ; il avait été nommé à la majorité de six voix contre quatre. Par conséquent M. Boissy d’Anglas lui avait donné la sienne, et formé ainsi une majorité dans la commission, qui semblait partagée en deux fractions égales. D’après le nom du rédacteur et les circonstances de sa nomination, on ne devait guère s’attendre à une adresse qui embarrassât le ministère et l’obligeât à chercher sur les bancs d’amis équivoques un éditeur responsable pour un amendement au projet. Ce fut pourtant ce qui arriva. M. Saint-Marc Girardin lut à la chambre une adresse où la conscience publique signala aussitôt un passage qui, rapproché du discours de la couronne, semblait indiquer, à propos de l’Espagne et du traité de la quadruple alliance, le vœu, la possibilité, la nécessité éventuelle d’une politique plus efficace que par le passé. Or c’était évidemment là la question politique de l’adresse, la seule sur laquelle pût s’engager un débat sérieux, celle qui depuis quelque temps, grace à des circonstances nouvelles, préoccupait le plus vivement l’esprit public. Comment s’expliquer une pareille dissidence entre le ministère et une commission dont la majorité lui était favorable, une pareille surprise faite à l’opinion, un résultat si différent de ce qu’on s’était promis de la nomination du rédacteur ? L’explication est bien simple. Il y avait majorité dans la commission pour le ministère du 15 avril : il n’y avait pas majorité pour le système de la non-intervention absolue ; il n’y avait pas majorité pour l’approbation sans réserve de ce qui s’était fait en vertu du traité de la quadruple alliance, en ce sens qu’il n’y aurait, en aucun cas, ni plus ni mieux à faire pour atteindre le but de ce traité. À l’article des relations avec les puissances étrangères, le rédacteur de l’adresse