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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

Grecs, des Romains et des Carthaginois, et ils étaient également forcés de se séparer quand venait la tempête. Cette association de navires, liés entre eux et obéissant au même moteur, est encore plus complète que la fraternité maritime des anciens, et il sera bien plus facile de se retrouver et de se rejoindre, même dans la nuit la plus orageuse, au moyen de signaux ou de détonations que les anciens ne connaissaient pas. Les avantages qu’offre la Compagnie de Navigation, sont : 1o  la périodicité et la régularité des transports ; 2o  la diminution d’un tiers sur les dépenses actuelles ; 3o  la réduction de moitié au moins sur la durée des parcours. — On établirait donc des convois de ces bateaux wagons ; formant comme un chapelet de navires, et traînés par une force suffisante de chevaux, qui partiraient de Bombay, traverseraient le canal de Suez, et arriveraient à Marseille, ou dans d’autres ports de la Méditerranée. Ce système, qui tend à faire une révolution complète dans la navigation, serait surtout adopté avec fruit pour le trajet de la mer Rouge et de la Méditerranée. La vapeur doit faire abandonner la navigation isolée pour la navigation sociale, principalement sur les lignes où il y a une grande quantité de marchandises à transporter, comme celle de l’Inde.

Ainsi, le même procédé qui fait disparaître la difficulté des moussons, résout la troisième objection, tirée de la cherté du transport des marchandises par la vapeur.

CONCLUSION.

Vous voyez d’après cet exposé, que loin de renoncer à ramener le commerce de l’Inde dans sa voie naturelle, les bons esprits doivent hâter le moment où les travaux nécessaires à cette réinstallation seront effectués. Il ne saurait plus maintenant y avoir aucun doute sur le choix de ces travaux, et sur la question de préférence entre le canal et le chemin de fer. En mettant en parallèle, comme nous l’avons fait, le coût et les avantages de ces deux modes de communication par la vapeur, nous sommes arrivés à démontrer : 1o  que, pour les passagers et les lettres, le canal et le chemin de fer donnent à peu près la même célérité ; 2o  que, pour les marchandises, le chemin de fer exige plus de frais et de temps, et que, sous ce rapport, le canal lui est bien supérieur ; 3o  que le canal coûte deux millions de moins que le chemin de fer, quoiqu’il demande un peu plus de temps pour sa confection.

Enfin, il est une considération politique que nous ne devons pas omettre, et qui sera toute-puissante aux yeux de la nation anglaise. En effet, nous avons vu que le chemin de fer exige, comme complément, une navigation intérieure en Égypte, et même des entrepôts dans ce pays. Or, convient-il à l’Angleterre de laisser ainsi tous ses trésors de l’Inde à la merci du souverain d’Égypte ? La prudence n’exigerait-elle pas, ou qu’elle fût maîtresse du pays, ou qu’elle y eût du moins des forces suffisantes pour assurer la libre circulation de ses marchandises, et garantir leur propriété ? Aussi, l’Angleterre, qui a proposé récemment au pacha de faire le chemin de fer pour son compte, y mettait