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LETTRES SUR L’ÉGYPTE.

gardienne sera fidèle, non-seulement par nature et par religion, mais encore parce qu’elle n’ignorera pas qu’aujourd’hui le désert n’est plus une retraite impénétrable aux soldats de Mohammed-Ali.

Quant à l’objection de la mobilité des sables, nous y avons déjà répondu en partie. L’itinéraire que nous avons tracé, ne fait que confirmer l’opinion déjà émise par tous ceux qui ont exploré le désert du Kaire à Suez, touchant la possibilité d’établir un chemin de fer entre ces deux points. En effet, ce chemin ne rencontre dans son trajet aucune montagne, aucun fleuve, aucune forêt ; il n’y a point de percées à faire, point de voûtes à construire. La mobilité du sol ne saurait être un obstacle ; car la route actuellement pratiquée est tellement solide, qu’elle est indiquée, sur presque tous ses points, par un large ruban composé de trente ou quarante sentiers parallèles, tracés par les pieds des bêtes de somme. Ces sentiers ne sont jamais recouverts par les sables ; ils sont suivis invariablement par les dromadaires ; ce sont des espèces de rails étendus dans le désert, sur lesquels passent ces locomotives vivantes[1]. Au reste, tout ce terrain se durcit et se solidifie de jour en jour, par les herbes qui y croissent, et les pluies qui deviennent plus fréquentes. En étudiant le désert, et le travail d’organisation qui s’y fait, on est convaincu qu’il n’est point condamné à rester éternellement stérile et infécond.

COMPARAISON DES DEUX MODES DE COMMUNICATION.

La comparaison du canal au chemin de fer, sous le rapport de l’étendue et de la dépense, donne le résultat suivant :

Développement du canal 
130,500 mètres
Développement du chemin de fer. 
125,000
Différence 
5,000 mètres.
 
Coût du chemin de fer 
11,800,000 francs.
Coût du canal 
9,287,000
Différence 
2,513,000 francs.

Vous voyez que le chemin de fer aurait 5,500 mètres de moins de développement, et coûterait cependant 2,513,000 francs de plus que le canal.

Comparons aussi les deux voies sous le rapport des autres avantages, tels que la célérité et l’économie de transport, soit pour les personnes, soit pour les marchandises.

  1. Nous avons vu sur la route, dans les endroits sablonneux, les traces des roues de la voiture d’une princesse égyptienne, que nous retrouvâmes ensuite aux sources de Moîse, où elle prenait les eaux. On rencontre aussi fréquemment sur le sable des empreintes de pieds de gazelles.