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mais peu considérables. – Le lendemain matin, après avoir marché encore une heure dans la vallée, et avoir aperçu au nord, à un quart de lieue de la route, le fort d’Adjeroud, nous entrâmes dans la plaine à l’extrémité de laquelle se trouve Suez. Cette plaine est légèrement inclinée vers la mer. À une lieue avant d’arriver à la ville, on voit le puits nommé Bir-Suez, dont l’eau est saumâtre.

Le relevé de cet itinéraire donne :

De Bab-el-Touloum au village où l’on s’arrête pour faire les provisions d’eau 
1 heure.
Plaine terminée au sud-est par des collines peu élevées 
2
Plaine longée au nord par les dunes de sable 
3
Depuis El-Bab jusqu’à El Hamra, terrain solide et caillouteux 
4
Depuis El-Hamra jusqu’à Darb-el-Homar 
1
Depuis Darb-el-Homar jusqu’aux collines abruptes 
6
Depuis les collines abruptes jusqu’à la hauteur d’Adjeroud 
1
Depuis la hauteur d’Adjeroud jusqu’au Bir-Suez 
1
Depuis le Bir-Suez jusqu’à la ville 
1
21 heures

L’allure du dromadaire est presque aussi régulière que le pendule ; elle peut très bien servir à mesurer la distance, et cette mesure, pratiquée par les Arabes, est d’une exactitude rigoureuse. Par heure, le dromadaire fait une lieue et un tiers, ce qui donne 28 lieues, ou 125,000 mètres, pour la distance totale du Kaire à Suez. Cette distance est aussi celle qui est donnée par les meilleurs géographes, notamment par la grande carte d’Égypte. En suivant la direction ci-dessus indiquée, le chemin de fer n’exigerait que quelques travaux de terrassement très peu coûteux. On peut donc évaluer à 400,000 fr. la lieue de chemin de fer à double voie, ce qui porte la dépense à 11,200,000 fr. Ajoutez à cette somme 600,000 fr. pour l’achat des locomotives, le coût total s’élèvera à 11,800,000 fr. Le chemin n’offrirait que deux courbes d’un immense rayon, et sa pente du Kaire à Suez serait de 0m 107 par lieue, chiffre donné par les ingénieurs de l’armée française.

On a fait deux objections au chemin de fer de Suez : 1o  les attaques des Bédouins ; 2o  la mobilité des sables. À la première objection, Mohammed-Ali s’est chargé depuis long-temps de répondre ; en établissant une police sévère au désert, et en purgeant ces vastes mers de sable des pirates qui les infestaient. C’est un des bienfaits incontestables de son administration. Autrefois, on ne pouvait parcourir la route du Kaire à Suez, qu’en nombreuse caravane ; aujourd’hui, les voyageurs n’ont rien à redouter dans ce trajet. Il est donc peu probable que la cupidité des Arabes du désert fût tentée par quelques rails de fer, que l’on peut d’ailleurs aisément faire garder. Que Mohammed-Ali confie la garde du chemin à une tribu, dont le chef en répondra sur sa tête ; cette mesure suffira pour garantir les rails contre toute attaque. La tribu