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DU RADICALISME ÉVANGÉLIQUE.

le mauvais génie de l’orgueil ; qu’au contraire celle de Dieu, incorruptible et pure, dont l’origine remonte aux premiers jours célébrés par l’Ancien Testament, est arrivée peu à peu à descendre sur la terre par le christianisme. Mais qu’a de commun la situation de M. de La Mennais avec celle de saint Augustin ? Le christianisme a aujourd’hui cet empire terrestre, dont le paganisme retenait encore une partie, quand l’évêque d’Hyppone écrivait. Augustin luttait contre les païens ; M. de La Mennais lutte aujourd’hui contre les chrétiens en possession du monde politique ; les chrétiens lui diront que la cité de Dieu est réalisée sur la terre, tant par le catholicisme que par le protestantisme, et toutes les opinions adjureront l’auteur du Livre du Peuple de découvrir les fondemens de la nouvelle cité qu’il veut substituer à l’ancienne.

Tout conduit M. de La Mennais à la nécessité de formuler un système ; son radicalisme évangélique, tel qu’il se dessine dans les Paroles d’un Croyant et dans le Livre du Peuple, ne saurait suffire ni à notre siècle ni à la nature des choses. Ce radicalisme évangélique est sincère dans l’homme qui le prêche, et naturel dans l’époque où il se produit : qu’un prêtre ait été frappé des misères du peuple, qu’il ait réclamé ses droits et son bonheur au nom de l’Évangile, et qu’il ait voulu mêler et combiner les forces du christianisme et de la démocratie, voilà un fait social qui n’a rien de monstrueux, et qu’explique complètement le génie de notre siècle. Mais si ce radicalisme évangélique est un symptôme, il n’est pas une solution.

Quand en 1834 parurent les Paroles d’un Croyant, elles furent saluées comme un cri d’émancipation et d’indépendance ; l’auteur entrait dans une vie nouvelle par une sorte de chant lyrique dont l’impétueuse allure échappait à l’analyse de l’esprit philosophique. Plus tard les Affaires de Rome furent comme des Mémoires destinés à livrer au public le secret et les détails de la révolution intérieure qui s’était accomplie dans l’ame de M. de La Mennais ; enfin aujourd’hui le Livre du Peuple est une sorte de catéchisme populaire, dont l’auteur n’a pas décliné la lutte avec les formes même de l’Évangile. Mais il faut maintenant à la pensée de M. de La Mennais une évolution nouvelle ; il nous doit un système. Qu’il se rappelle que tous les grands hérésiarques qui ont protesté puissamment contre l’orthodoxie et les opinions officielles, ont puisé leur force dans les principes métaphysiques des choses.

Jusqu’à présent le néo-christianisme, dont M. de La Mennais est, à lui seul, encore aujourd’hui, le chef et l’église, n’a eu d’autre déve-