Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/149

Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
DU RADICALISME ÉVANGÉLIQUE.

après la plaidoirie et la réplique de son avocat, M. Berryer, pour prononcer ces mots : « Je dois à ma conscience, au caractère sacré dont je suis revêtu, de déclarer au tribunal que je demeure inébranlablement attaché au chef légal de l’église, que sa foi est ma foi, que sa doctrine est ma doctrine, et que, jusqu’à mon dernier soupir, je continuerai de la professer et de la défendre ; » il ne s’attachait si fortement au pape que parce qu’il le croyait dépositaire d’une puissance efficace. Il était alors à l’apogée de sa foi et de ses espérances dans le successeur des pontifes du moyen-âge. Mais cette opinion s’affaiblit, et sa confiance tomba peu à peu. Déjà on put remarquer, dans les Progrès de la révolution et de la guerre contre l’Église, des sympathies pour la liberté. C’est dans ces dispositions que le trouva la révolution de 1830. L’année suivante, il conjura le pape de ne pas se séparer la liberté et de l’esprit du siècle ; sur son refus, il parut un instant vouloir se taire et se soumettre ; mais la nature de l’homme reprit le dessus : il éclata, et, depuis les Paroles d’un Croyant, qui parurent en 1834, il a poussé toujours en avant. En 1835, il écrivait sur l’absolutisme et la liberté, et il résumait, dans une vaste préface, les principales évolutions de sa pensée. En 1836 il publiait les Affaires de Rome, où il accablait de ses dédains le Vatican et le catholicisme ; au commencement de 1837, il s’est fait journaliste pour la seconde fois ; enfin, en publiant aujourd’hui le Livre du Peuple, il se déclare hautement néo-chrétien.

Il est impossible de comprendre le point où en est arrivé aujourd’hui M. de La Mennais, si on ne prend en grande considération sa conviction profonde sur l’impuissance irréparable des deux partis qui divisent aujourd’hui le christianisme, le protestantisme et le catholicisme. Cette conviction a été la raison déterminante de ce qu’il a écrit et de ce qu’il a fait.

Pour le protestantisme, voici ce qu’en disait M. de La Mennais, dans les Affaires de Rome, en 1836 : « L’avenir du christianisme ne présentera rien non plus qui ressemble au protestantisme, système bâtard, inconséquent, étroit, qui, sous une apparence trompeuse de liberté, se résout, pour les nations, dans le despotisme brutal de la force, et pour les individus, dans l’égoïsme. » Certes, la sentence est accablante, et même elle nous semble inique dans son excessive sévérité. Nous avons, nous-même, en 1835[1], apprécié les qualités et la portée du protestantisme, et, n’écrivant que dans les intérêts de

  1. Au-delà du Rhin, tom. ii. – iv. Deux christianismes.