Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 13.djvu/143

Cette page a été validée par deux contributeurs.
139
DU RADICALISME ÉVANGÉLIQUE.

plaçait au point de départ, au berceau même de la religion nouvelle, à la source du fleuve qui devait s’épandre sur la terre, prévoyait la multiplicité des commentaires que devait recevoir la parole qu’il prêchait ; il prédit qu’il viendrait un temps où l’on ne pourrait plus souffrir la saine doctrine, où la plupart s’attacheraient à des opinions nouvelles. Mais ces hérésies ne devaient-elles pas être elles-mêmes, sous des formes diverses, autant d’actes de foi, autant d’hommages rendus à la vérité première, dont saint Paul était le second promoteur ?

La doctrine du christianisme avait donné nécessairement un grand ébranlement aux esprits. Les fondemens et les perspectives de la pensée n’étaient plus les mêmes. À la prédication de la fraternité humaine étaient liés les dogmes d’un Dieu un et triple et d’une ame immortelle : noble pâture pour le cœur, puissant éveil pour l’imagination. Il était inévitable que, sous l’impulsion du christianisme, le génie humain se donnât carrière et reprit l’étude des grands problèmes que la philosophie antique laissait défaillir. Les développemens les plus contradictoires entre eux commencèrent à dériver du principe chrétien. Parmi les adeptes de la croyance nouvelle, les uns, se préoccupant avec une ardeur exclusive des rapports de l’homme avec Dieu, absorbèrent l’individualité humaine dans la contemplation passive de la Divinité, et la simplicité primitive de la parole chrétienne dans la gnose orientale. D’autres au contraire revendiquèrent en face de la foi les droits de la raison, et travaillèrent à ramener à des proportions humaines le commencement même et le premier fondateur de la religion chrétienne : c’est la grande hérésie rationnelle à laquelle Arius a donné son nom, mais qui avait commencé avant lui, et qui n’a cessé de se développer depuis la mort de Constantin. Plusieurs enfin ne purent se résoudre à ne pas demander au christianisme le bonheur terrestre, et ils prêchèrent pour l’avenir le règne politique du Christ pendant mille ans.

Nous ne saurions nous étonner de ces développemens de l’esprit humain qui embrassait à la fois le mysticisme, le rationalisme et la félicité sur la terre. Considérez l’humanité à toute époque de l’histoire, et vous la trouverez toujours engagée dans la triple poursuite des mystères divins, des lois de la raison, et des moyens de conquérir le bonheur.

La transformation des idées humaines n’est nulle part plus manifeste que dans la méthode employée par Clément d’Alexandrie, ce maître d’Origène, pour préparer les esprits au mysticisme. Il se garde bien d’injurier la philosophie ; il enseigne au contraire que la philosophie