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le prologue, joue de manière à faire regretter la mort trop prompte de Lépidus. L’attention du public s’est particulièrement portée sur la débutante. Mlle Ida s’est concilié la bienveillance par un certain charme naïf qui lui appartient, et qui la soutiendra sur notre première scène, surtout si elle parvient à accentuer plus nettement son débit. Pour résumer en deux mots toutes nos impressions, nous dirons que la représentation de Caligula peut être un succès pour la Comédie-Française, mais que nous avons trop bonne idée du talent de M. Dumas pour croire qu’il fait tout ce qu’il peut faire.

A. C. T.




— La séance publique et annuelle de l’Académie des Sciences morales et politiques a eu lieu à l’Institut, mercredi dernier, avec une curiosité et une affluence qui font honneur au goût sérieux de la plus aimable portion de l’auditoire. L’Académie, par l’organe de son président, M. Bérenger, a d’abord décerné à M. Barthélémy Saint-Hilaire un prix pour un mémoire sur la Logique d’Aristote. L’examen et l’éclaircissement des travaux, à la fois si différens et si vastes de l’auteur de l’Organon, semblent être devenus à juste titre le but des recherches proposées par la cinquième classe de l’Institut. Il y a deux ans encore, dans la séance qui précéda d’une année celle où M. Mignet lut une notice sur Sieyès, que les lecteurs de la Revue n’ont certainement pas oubliée, l’Académie couronnait l’écrit si remarquable de M. Ravaisson sur la Métaphysique d’Aristote, et, proclamant l’éclatante supériorité de ce mémoire, accordait un second prix à M. Michelet de Berlin. Après le programme des sujets proposés par l’Académie, pour les prochaines années, est venu la lecture de M. Mignet, sur Rœderer. Ce morceau a obtenu le succès le plus flatteur. Jamais la plume de M. Mignet n’avait été plus fertile en déductions brillantes, en résumés lumineux, en expositions pleines d’un charme grave, qui sait ramener les moindres détails au niveau des faits et des évènemens généraux. Si M. Mignet n’a pu convenablement, dans un éloge académique, déterminer en termes précis et rigoureux la part des humaines faiblesses et des douteuses rencontres, s’il n’a pas redit le mot incisif de Mme de Staël : M. Rœderer s’empresse toujours de porter secours au vainqueur ; du moins toutes les grandes lignes de cette vie, mêlée à tant d’hommes et de choses, ont-elles été admirablement tracées dans la belle étude qu’apprécieront nos lecteurs. M. Mignet, avec cette manière ferme et nette qu’on lui sait, a aussi parfaitement caractérisé Rœderer comme écrivain, en montrant cette humeur belliqueuse de style, qui lui faisait transporter dans l’histoire les formes acerbes de la polémique quotidienne. À cette lecture de M. Mignet, si justement applaudie, a succédé un morceau de M. Rossi sur notre droit civil considéré dans ses rapports avec l’état économique de la société, morceau qui, malgré la sévérité du sujet et l’emploi fréquent des formules générales et affirmatives empruntées à l’école de M. Guizot et de M. Sismondi, a attiré l’attention par l’élévation des idées et la profondeur des vues.


F. Buloz.