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REVUE. — CHRONIQUE.

soumise à une règle sévère. On pourra y introduire les soulagemens que l’ordre et la garantie de la justice ne repousseront pas.

Quant aux condamnés, tout ce que nous avons dit sur la réforme pénitentiaire les concerne principalement. Que l’on adopte le régime d’Auburn ou celui de Pensylvanie, les principes désormais établis seront : la séparation complète des détenus pendant la nuit, leur isolement, au moins moral, pendant le jour, le travail, l’instruction morale et religieuse. Ces principales réformes en amènent d’autres, qui s’enchaînent étroitement avec elles. Ainsi, le système cellulaire rend les classifications inutiles, et entraîne l’uniformité des peines, qui ne différeront que par la durée. Le système de Pensylvanie aurait surtout l’avantage de faciliter les rapprochemens des crimes et des âges les plus différens dans une même prison. Comme la séparation serait permanente, ce rapprochement n’offrirait point de dangers.

Les cantines et les pistoles sont des abus qu’il faut bannir de toutes les prisons où se trouvent des condamnés. L’inégalité de la répression pour les mêmes délits ou les mêmes crimes est contre le vœu de la loi. Il en est de même du denier de poche, et, selon nous, du pécule. Le travail du condamné est dû à la société, comme réparation du tort qu’il lui a causé et comme indemnité des charges qu’il lui coûte. Tout ce que peut faire la société, tant que le détenu est en prison, c’est de lui commander un travail utile qui lui assure pour l’avenir la connaissance d’une profession ou d’un métier.

Mais il y a un autre devoir pour la société. Un des plus grands dangers qu’elle puisse courir est la résolution que prend le condamné libéré à sa sortie de prison. La surveillance de la police a été jusqu’ici le seul moyen dont elle se soit servie pour garantir sa propre sécurité ; mais ce moyen est peut-être contraire au but qu’on veut atteindre. Il inquiète et il flétrit le libéré ; il le gêne dans les efforts qu’il fait pour se créer une existence nouvelle. Des associations de bienfaisance, telles que les colonies agricoles, et des sociétés de patronage, dirigées par le gouvernement, seraient nécessaires pour aider les premiers pas du libéré à son retour dans le monde. Ce serait offrir à la société un gage de repos, et au malheureux qu’elle rappelle dans son sein un moyen de rendre sa réforme complète.

Voilà les différens points sur lesquels la réforme pénitentiaire doit insister. Tels sont les moyens de lutter contre le crime, depuis sa première apparition dans le cœur du coupable jusqu’à ses plus affreux développemens. Par l’emploi de ces diverses mesures, le nombre des récidives diminuerait ; et la société, délivrée d’un de ses fléaux les plus terribles, marcherait plus librement dans les voies de civilisation politique, morale et matérielle, où elle est entrée.

Une des conséquences naturelles de la réforme pénitentiaire serait de modifier quelques-unes de nos lois pénales : d’abord les mesures flétrissantes devraient disparaître complètement. On conçoit en effet que toute peine infamante est inconciliable avec un système qui se propose la réforme morale du condamné. Tout être dégradé, à ses propres yeux, comme à ceux du monde, ne voit plus de refuge dans la vertu. Les bonnes mœurs, le travail, le repentir sincère, ne peuvent effacer le crime, que si le crime n’a pas laissé dans l’ame ou sur le corps du coupable le sceau de l’infamie. Ce qui de plus, en France, ferait nécessairement de toute réforme pénitentiaire