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que le condamné demande avec prière ; c’est une consolation qu’on lui donne. On a soin de la répéter assez souvent pour prévenir le désespoir qui pourrait naître d’une solitude trop longue ; et c’est dans ces entretiens, si ardemment désirés, et obtenus par l’accomplissement du devoir, que s’opèrent de véritables conversions, où la raison du condamné s’éclaire, où son cœur est profondément ému, et où sa persévérance dans le bien est garantie par l’isolement même qui le préserve de tout contact dangereux.

Il est possible que l’instruction primaire et industrielle soit d’une application plus prompte dans le système d’Auburn que dans celui de Pensylvanie, où la ressource de l’enseignement mutuel disparaît : mais il ne faut pas s’exagérer les avantages qu’on peut tirer de cet enseignement dans les prisons par la force des choses, il ne pourra jamais s’adresser qu’à un petit nombre de détenus. D’abord il faut excepter les prévenus et les accusés, dans l’intérêt desquels la séquestration permanente est obligée ; puis, parmi les condamnés eux-mêmes, ceux qui ont une instruction suffisante ou un métier ; ensuite, ceux qui ont des dispositions particulières pour telle étude ou profession, non pour telle autre ; enfin, ceux qui ne savent rien et ne veulent ou ne peuvent rien apprendre. Restent donc ceux qui pourront et qui voudront recevoir une instruction intellectuelle, apprendre le métier qu’on leur donnera, et dont l’emprisonnement sera d’une assez longue durée pour qu’on puisse leur enseigner l’un et l’autre : ceux-là seront toujours peu nombreux dans chaque pénitencier, et il suffira de quelques instructeurs pour répandre dans les cellules un enseignement qui ne sera jamais une charge bien lourde pour le budget.

Il ne faut pas oublier d’ailleurs que le premier objet du pénitencier, après l’expiation judiciaire, qui venge et qui rassure la société, c’est l’instruction morale. Celle-ci passe, selon moi, avant l’enseignement intellectuel et industriel : elle est la source et la garantie de toute réforme. Or, l’instruction morale aura toujours plus d’accès dans la solitude du condamné, livré à l’examen douloureux de sa vie et sous le poids de ses remords, que dans une réunion en masse, où le repentir sera sans cesse comprimé par une fausse honte, où la crainte d’être soupçonnés de lâcheté fera prendre aux plus timides un air de cynisme et d’effronterie, où les exhortations les plus pressantes n’exciteront souvent qu’un rire amer ou une indifférence stupide. Quel succès attendre d’une prédication religieuse dans une réunion d’hommes pour qui la religion a toujours été le sujet d’infâmes plaisanteries ? Portée au contraire dans la solitude des cachots, la parole du prêtre aura une autorité plus grande. Ses accens pourront d’ailleurs varier selon le caractère de ceux qui l’écouteront. Avant d’enseigner les vérités religieuses il pourra enseigner les vérités morales ; ce sera le moyen de préparer ces ames grossières à entendre avec respect, puis avec vénération les noms sacrés qu’elles ont souillés de leurs blasphèmes. Enfin, quand la semence religieuse aura ainsi pénétré dans les cachots par des entretiens individuels, rien n’empêchera que le prêtre ne donne à ses instructions un caractère plus animé et plus pathétique par le moyen des prédications. M. de Metz nous apprend que le système de Pensylvanie n’exclut pas les instructions religieuses en commun. « Un rideau placé, dit-il, au milieu de la galerie permet de laisser toutes les portes des cellules ouvertes, et les détenus, sans se voir, peuvent profiter tous à la fois des instructions du chapelain. » Ce moyen ingénieux concilie tout. Il permet à la parole évangélique de se communiquer à tous,